[Sur les plages où les Français nous parquèrent, ils] construisirent d’abord des postes de surveillance, avec mitrailleuses, projecteurs et soldats sénégalais qui tiraient sur tout ce qui passait la ligne. (…) Puis ils nous forcèrent à installer des clôtures et du fil barbelé… Nos rêves s’achevaient en cauchemar de pieux hérissés… Comme des oiseaux construisant leur propre cage… (p. 74, Chapitre 2, “2ème étage - 1931-1949 : Les espadrilles de Durruti”).
Je dus enterrer ma dignité et mes idéaux
seul moyen de commencer une nouvelle vie
comme nombre d'espagnols, j'appris à vivre sur mon propre cadavre...
La politique s'emparait de tout et nos vies devenaient de l'histoire... or l'histoire rend la vie plus difficile
Je n’ai jamais compris la stratégie des résistants. Peut-être en raison du genre d’opérations qu’ils menaient dans ce coin reculé de la France. Peut-être parce que j’étais habitué en Espagne à plus de tragédie et d’héroïsme. Peut-être parce que j’avais vu trop d’injustices pour croire encore au combat…
Je dus enterrer ma dignité et mes idéaux... seul moyen de commencer une nouvelle vie... comme nombre d'espagnols, j'appris à vivre sur mon propre cadavre...
Le petit travaillait bien, avec de bonnes notes, mais l’enseignement était vicié, quasiment laminé par l’idéologie du régime.
(…) Et je n’osais pas lui montrer un autre point de vue…
Comment prendre ce risque, comment lui faire courir le risque de payer les conséquences d’une pensée vaincue et encore pourchassée… ?
Ce fut l’aboutissement le plus terrible de ma condamnation au silence… Je ne pouvais éduquer mon fils…
(p. 153, Chapitre 3, “1er étage - 1949-1985 : Biscuits amers”).
Lucio n’était pas le seul à avoir retourné sa veste. La simple survie exigeait une adhésion inconditionnelle au régime. Il ne fallait pas seulement renoncer aux vieux idéaux mais être encore plus royaliste que le Roi. Ces changements trahissaient une tragédie personnelle aussi profonde qu’inavouable… Ce n’était pas de la trahison mais du suicide idéologique… Pour affronter le présent, ils devaient enterrer le passé, mourir pour rester vivants. (…) Mon mariage aussi fut un enterrement. Je dus enterrer ma dignité et mes idéaux, seul moyen de commencer une nouvelle vie. Comme nombre d’Espagnols, j’appris à vivre sur mon propre cadavre
(...) La simple survie exigeait une adhésion inconditionnelle au régime... il ne fallait pas seulement renoncer aux vieux idéaux mais être encore plu royaliste que le roi... ces changements trahissaient une tragédie personnelle aussi profonde qu'inavouable... ce n'était pas de la trahison mais du suicide idéologique... pour affronter le présent, ils devaient enterrer le passé... mourir pour rester vivants...
Je peux donc certifier qu'il se suicida de cette manière, je peux également affirmer qu'en apparence cela prit quelques secondes... Mais qu'il mit en fait quatre-vingt dix ans à tomber du quatrième...
Pour pouvoir voler vous devez croire à l'invisible.