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Critique de CaroGalmard


Lectrice confirmée, j'ai jusqu'à présent peu fréquenté les salons littéraires. Je leur préfère habituellement les médiathèques, ou les librairies. J'ai toujours l'impression que c'est comme quand on va dans une grande parfumerie et que l'on se fait conseiller par un vendeur dédié à une seule marque : il va forcément tenter de vous vendre des produits de sa marque, alors que ce n'est pas forcément la marque qui vous convient le mieux.
Mais mon avis sur les salons littéraires commence à changer. En octobre dernier, a eu lieu Lire en poche à Gradignan (à côté de Bordeaux), et à cette occasion, Djaïli Amadou Amal est venue dans la médiathèque que je fréquente, à la rencontre des lecteurs. J'ai décidé d'y aller. Ce serait dommage de louper l'occasion de rencontrer une personne qui a fait tant de kilomètres pour être si près de chez moi. J'avais entraperçu son livre le plus médiatisé par les média, Les Impatientes, sans y avoir prêté attention, me méfiant de ces grands succès populaires plus acquis grâce au génie du plan marketing que grâce au talent de l'auteur.
Quand je suis entrée dans la salle, Djaïli Amadou Amal était dans un fauteuil. Vêtue de tissus colorés que seules savent porter avec élégance les femmes africaines, elle avait l'air de s'ennuyer franchement en attendant que la séance commence.
Je reste, je repars ? Je suis restée.
Et puis la séance a commencé. Et nous sommes entrés dans l'univers de Djaïli Amadou Amal. Et j'ai été happée par sa force, son courage et sa détermination.
Bon sang, cette femme a traversé des épreuves qui sont inimaginables pour la plupart d'entre nous petites françaises gâtées, elle écrit un roman et elle influe la destinée des femmes dans tout un pays.
Rien que ça. En toute simplicité. Sans tenter de faire pleurer dans les chaumières. Avec une certaine humilité et un sens de l'humour aigu.
A la fin j'ai sollicité une dédicace. On a papoté un peu. On a le même âge. On a parlé des rides, des enfants qui grandissent. C'est fou. Alors qu'elle était mariée de force, moi pendant ce temps là je passais mon bac, j'allais jouer au tennis avec mes copines, j'étais fan des Beatles et de Paul McCartney et je conduisais accompagnée.
Je suis repartie illuminée par cette rencontre. Les livres, les bibliothèques, sont précieux. Ils sont le début de l'avenir, de la liberté.
Djaïli Amadou Amal se bat encore chaque jour, avec l'aide de son éditeur notamment, pour que dans son pays les gens aient accès aux livres, qu'ils puissent aller dans des bibliothèques. Elle nous a dit que plus jeune, elle faisait le mur pour aller chercher des livres à la bibliothèques. Mes faims littéraires étaient moins compliquées à assouvir, mais je me suis reconnue dans cette soif d'apprendre, d'accéder au monde. de mon premier déménagement à aujourd'hui, même si je ne restais que deux mois pour un stage dans un lieu donné, j'ai toujours eu 2 réflexes : aller à l'office du tourisme et surtout m'inscrire à la bibliothèque. J'ai un souvenir ému de ces petites fiches cartonnées de couleur, qui étaient associées à chaque livre et vous indiquaient par un coup de tampon, à quelle date vous deviez rapporter votre butin. C'est presque dommage qu'on ne voit plus les noms des autres lecteurs et qu'on ne puisse plus évaluer la popularité de nos trouvailles.
Je m'écarte du sujet là, mais pas tant que ça.
Je reviens sur Les Impatientes que j'ai lu dans la foulée de cette rencontre. Je suis encore une fois ravie d'avoir pu entendre Djaïli prononcer le fameux : Munyal. La sonorité de ce mot si important, pesant, apaisant, sinistre, déprimant, révoltant, ma accompagnée durant toute la lecture du roman. Durant l'histoire de ces trois femmes qui ne choisissent : rien. Mariage forcé, chantage, absence de libre arbitre et d'éducation. Des femmes qui sont cantonnées à un rôle de maitresse de maison mais, du fait de la polygamie, plusieurs dans une maison sinon ce serait trop facile. C'est game of Thrones dans ta maison. On ne devrait jamais avoir à se battre et subir des violences au sein de son propre foyer. C'est sacré. Quand j'étais enfant, j'avais été traumatisée de voir une cousine maltraiter le doudou de sa soeur. J'ai toujours appris à mes deux fils que oui, ils pouvaient se disputer, mais les doudous c'est sacré : on n'y touche pas. Et ils ont toujours respecté ce principe.
Les Impatientes m'ont touchée. Et si j'étais née en 1975, mais au Cameroun ? Qu'aurais-je fais ? J'ai suivi ces trois destins avec tour à tour un sentiment d'oppression, d'étouffement, d'espoir, et…d'impatience. Car je ne suis pas patiente. Alors ces situations m'ont touchée là où commence l'agacement qui peut engendrer la colère et la révolte.
Alors, faut-il le lire ? Oui !!!! Il est même au programme officiel scolaire camerounais. Quant à moi je continue à fréquenter assidument les bibliothèques et je vais plus fréquenter les salons littéraires. Et je savoure et suis attentive à protéger la liberté d'être une femme en France en 2023.
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