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Critique de Fandol


Après avoir aimé le Ghetto intérieur, je retrouve Santiago H. Amigorena et son écriture soignée, dans cette langue qui ne devint la sienne qu'à la fin de ce Premier Exil.
L'auteur a six ans lorsque ses parents quittent Buenos-Aires et l'Argentine pour Montevideo en Uruguay. Dans ce pays voisin, ils y allaient en vacances mais c'est un coup d'État du général Juan Carlos Onganía, un libéral, national-catholique et anticommuniste qui provoque ce départ.
Le père de l'auteur était professeur de psychologie à l'université de Rosario alors que sa mère, elle aussi psychanalyste, n'a plus le droit d'exercer parce qu'elle n'est pas médecin.
Avec ce livre, Santiago H. Amigorena poursuit une oeuvre autobiographique qu'il consacre cette fois aux six années vécues en Uruguay. Au cours de ma lecture, je passe de moments très intimes sur l'enfance à des moments politiques très forts que le jeune Santiago voit se dérouler dans les rues de la capitale : un formidable espoir avec le Frente Amplío. Mais une montée des forces paramilitaires, les arrestations et la répression de plus en plus féroce des manifestations pousseront ses parents à envisager un nouvel exil, cette fois, en Europe.
Le Premier Exil m'a fait vivre dans les rues de Montevideo, aux côtés d'un gosse qui ne parle pas, écrit de plus en plus, vit le plus possible avec Celeste, son chien, grimpe très souvent dans cet arbre, le gomero, tout près du lieu où il habite avec ses parents et Sébastián, son frère aîné.
L'auteur grandit, découvre de plus en plus de choses et surtout se met à écrire. C'est l'occasion, pour l'auteur, de partager régulièrement ses textes, ses poèmes de l'époque, parfois en espagnol, ce que je trouve très intéressant.
Régulièrement, il disserte sur un sujet ou un autre. Parfois, c'est un peu ennuyeux, très autocentré, mais il réussit à puiser au maximum dans ses souvenirs, sans négliger de les remettre en question, pour alimenter une prose très élaborée. Il n'hésite pas à utiliser l'imparfait du subjonctif, à chahuter son lecteur, à nous décrire en détails ses meilleurs meilleurs amis et à nous parler des filles qui commencent à attirer ces garçons prépubères… et inversement.
Ses considérations sur la littérature, ses réflexions sur d'autres écrivains sortent bien sûr du cadre de cette enfance. Santiago est réputé pour son silence, va chez le psychanalyste trois fois par semaine, chez un dentiste aussi, aborde le thème du deuil lorsque décède Vicente Rosenberg, son grand-père maternel. Même s'il est souvent dans la rue, il vit dans un milieu aisé, lit beaucoup, part en vacances à l'est de l'Uruguay, au bord de l'océan et fréquente un établissement scolaire de qualité.
Enfin, j'y reviens, les moments les plus forts sont consacrés à la montée des dictatures sud-américaines, au rôle essentiel joué par la CIA, un certain Dan Mitrione, et Henry Kissinger, prix Nobel de la paix ! Les services secrets français agissent aussi pour faire profiter les militaires de l'expérience acquise en Indochine puis en Algérie dans le domaine de la torture. Santiago H. Amigorena s'exprime calmement, de façon précise et j'ai vraiment honte de mon pays, la patrie des Droits de l'Homme, et du rôle que certains de mes compatriotes ont joué avec l'aval des pouvoirs gaulliste, pompidolien et giscardien…
Enfin, Santiago a dix ans et il nous fait profiter des petits mots échangés en classe avec les filles. Quand Alvaro écrit « Te quiero » à Patricia, on se moque mais lorsque Santiago communique avec Sandra, ses meilleurs meilleurs amis facilitent les choses. Hélas, Sandra attend plus de ce garçon qui grandit, est de plus en plus beau, mais ne comprend rien…
Après des vacances d'été, début 1972, dans le Chili de Salvador Allende, il faut se rendre à l'évidence : la situation en Uruguay se dégrade de plus en plus. Un second exil se prépare…


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