Citations sur Ton parfum (23)
Ton obsession m’a empoisonnée. Nous deux, c’était d’une sordide évidence.
J’ai eu de la chance de n’avoir attendu que deux heures pour choper le bus, ce bled n’est pas du tout touristique. Et pour cause, je sens davantage de regards curieux converger sur ma route.
Les yeux fermés, je m’imagine danser sur le son de sa voix, dessiner d’amples mouvements circulaires, me contorsionner en rythme. Ça me démange ! Je visualise les gestes à améliorer, gigote sur mon siège, habitée par les notes jazzy jusqu’à la racine des cheveux.
Quelle froideur, alors qu’on ne s’est plus vues depuis… un an, je crois, après sa dernière représentation, avec sa troupe de danseurs. Je l’attendais devant la sortie des artistes, accompagnée de Papa. Elle a daigné nous faire la conversation de façon précipitée, sans même nous accorder un café, avant de disparaître de ma vie, une fois de plus.
À chaud, j’ai l’impression de n’avoir rien à lui dire, je n’en ressens même pas le besoin. J’ignore si je suis intimidée ou juste déçue. Par réflexe, je jette un rapide coup d’œil à ses membres, cherchant la moindre trace d’ecchymoses. Il n’y a rien.
Cependant, son fameux sourire, celui qui perçait les cœurs masculins, ne suffit pas à dissimuler ses cernes ou sa pâleur évidente. Même ses grands yeux bruns ont perdu de leur éclat. Elle a rangé ses cheveux blonds en chignon, derrière un large bandeau écarlate, et s’est vêtue comme d’habitude. Une robe bohème ample, bigarrée de rose et d’orange, qui lui descend jusqu’aux chevilles.
Comme c’est étrange de me dire que nous ne nous découvrons que maintenant, bien que nous partageons le même sang. Que j’ai toujours éprouvé une jalousie non assumée pour elle, celle qui a bénéficié de l’amour de ma mère à mon détriment. Bien sûr, je ne suis pas idiote, cette enfant n’a rien fait de mal. C’est d’autant plus évident alors qu’elle se tient devant moi, si heureuse de me rencontrer.
L’amertume qui me minait s’efface au profit d’une douce tendresse. Mes lèvres s’étirent devant sa bouille plus que ravie. Elle est trop jolie, irradie d’énergie positive. La même dont je fais preuve, d’habitude.
Elle se contentait de m’observer de ses grandes billes claires, avec déjà une touffe de cheveux noirs sur le crâne, qui lui descend désormais jusqu’au bas du dos en cascade ondulée.
D’aussi loin que je me souvienne, ses origines ont toujours stimulé mon imagination. Les murs sont habillés de nombreuses fenêtres aux volets décatis, donnant l’impression qu’elle n’a pas été entretenue depuis belle lurette, si ce n’est qu’une rangée de pots de fleurs chatoyantes est placée à leur pied. L’immense jardin n’a pas meilleure allure.