Suivre le murmure
Extrait 4
Elle dit ce qu’elle dit. Et ce qu’elle dit, c’est elle. On l’entend sans l’entendre. On plaisante, on rit, elle est là. Et quand on croit se taire, c’est elle qui parle. Elle ou lui ? Ni l’une ni l’autre. En silence elle luit. Met du clair sous les mots. Traverse le jour, veille la nuit, s’arrête dans une image : gravier laurier, un peu de vent. On la reconnaît, elle vient de loin — ou de tout près, c’est pareil.
Suivre le murmure
Extrait 1
On ne se bat pas — on est le champ de bataille. D’ailleurs, contre qui, se battre ? On ne sent rien, on ne voit rien, on n’entend rien. Dehors, rien n’a changé : l’air et le visage qui sourit. Et tout semble si tranquille. C’est dedans que ça se bat — et on suit : on ne fait que suivre.
II L’ÂGE DU FRAGMENT
Extrait 1
J’entre dans l’âge du fragment. Les choses se serrent, éclatent : esquilles, fibrilles, sang sur les doigts. Et la neige, toujours.
[…]
Suivre le murmure
Extrait 5
Elle dit : ne regarde pas, écoute. C’est comme si elle tendait la main et pourtant ne montrait rien. Ou une confusion de couleurs et de formes. Et quelque chose comme un vent qui les traverse, les éparpille. Écoute, oui, écoute. Laisse les images, suis le murmure.
Suivre le murmure
Extrait 3
Quelque chose qui ? Le pli obscur ? Quelque chose quoi ? Lente, obstinée, la pluie qui dure ? Ce qu’on cherche est là. Mais où ? Dans la lueur des gouttes ? Dans les mots qu’on écoute ? Qu’entend-t-on ? Que voit-on ? Les oreilles sont des yeux. Dedans, pourtant, n’a pas d’oreilles. Ni de bouche. Dedans, c’est dehors. On y est sans y être. On y entend la voix ? Et que dit-elle ?
Suivre le murmure
Extrait 2
Comment dire moi, puisque moi — comment dire — ça n’est pas moi ? Une pluie d’éclats et d’ombres, comme un feuillage agité par le vent. Un sommeil, un éveil confondus, des visions — montagne table, vent, pieds croisés — un aveuglement, oui. Et comment ne pas dire ce vacillement bref : quelque chose se tient là — quel-que chose n’est plus là.
II L’ÂGE DU FRAGMENT
Extrait 2
Dans l’image on n’entre pas. Elle reste en face, comme posée devant les yeux qui lui donnent ses limites et sa profondeur. La beauté est cette distance infranchissable tissée de lumière et de vols qu’on croit toujours pouvoir franchir. La main se tend, la bouche s’ouvre. On touche le murmure.