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Critique de JulienDjeuks


Fragments d'une ébauche de tome 3 pour L'Obsolescence de l'homme. Poussant la réflexion jusqu'à son paroxysme, Anders en vient à un paradoxe choquant : la haine aurait disparu pendant ce XXe siècle ! Ces tueries massives, le génocide, ne sont-ils pas justement rendus possibles par la méconnaissance de l'ennemi, par sa mise à distance ? La destruction de l'ennemi est lointaine, abstraite, représentée par un nombre extravagant. Les historiens vont dans le même sens quand ils expliquent que les génocides du XXe (nazi, ou par exemple hutu) sont avant tout caractérisés par une industrialisation de la tuerie. Les génocidaires ne sont pas des "barbares", des "fous sanguinaires", mais bien des calculateurs froids, des scientifiques de la tuerie, des professionnels ayant diplômes et équipements. Ces bains de sang ne sont pas des régressions vers la bestialité mais des manifestations indésirables du progrès. Dans la continuité de la critique de la modernité d'Anders, c'est bien le progrès technologique qui permet une grande mise à distance de l'humain : appuyer sur un bouton dans sa chambre-cockpit avec des points sur un écran radar tient davantage du jeu vidéo que de l'affrontement. On pensera à l'épisode de Black Mirror, "Men Against Fire", traduit par "Tuer sans état-d'âme" où un soldat tue des sortes de zombies, en fait des sdf, handicapés ou rebelles, apparaissant à ses yeux comme des zombies à cause d'un implant... le but étant d'éloigner tout sentiment dans cette phase de nettoyage de la société. Dans le fonctionnement idéal de nos sociétés technologiques, les sentiments humains sont inutiles, déplacés et même contre-indiqués.
L'ennemi et la haine de celui-ci sont devenues des fictions qui servent à se cacher à soi-même les intérêts plus terre à terre d'une tuerie : l'appropriation des biens et richesses du mort ; primes et médailles permettant une ascension sociale. Les génocidaires hutus interviewés par Jean Hatzfeld (Une saison de machettes) expriment bien le plaisir qu'ils ont eu à s'abreuver, à faire la fête sans compter, et à récolter les biens des voisins tués, tutsis avec lesquels ils avaient de très bonnes relations auparavant.
Cependant, si la technologie participe à cette mise à distance des sentiments, de la compassion, à la propagande d'une haine fictive, il n'est pas certain que la haine collective n'est pas toujours été une fiction construite. C'est la thèse De Voltaire dans Micromégas, ou de Giono dans la Lettre aux paysans, la guerre semble toujours être une question d'accroissement de pouvoir (acquisition de territoire, marchés) dans le jeu de stratégie des rois, présidents, patrons et grandes familles...
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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