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Critique de Lune


Livre posé. Premier contact.
Visage "botticellien" et "rimbaldien".
Chevelure d'angelot, lèvres délicatement entrouvertes, regard clair.
Photo miroir : "Moi" autoportrait de 1981.
L'auteur médiatiquement connu (de façon réductrice) pour son livre "A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie", irrémédiablement associé au sida, est figé à jamais dans sa beauté intemporelle et dans sa finitude avilissante.
Gisant à jamais dans la jeunesse de ses 36 ans fracassés, on mesure le Temps qui passe : il aurait eu soixante ans cette année.
La biographie que lui consacre Frédéric Andrau le fait renaître.
Que reste-t-il de lui après ce presque quart de siècle écoulé depuis son départ?
Que demeure-t-il de l'homme, de l'écrivain, du photographe, du combat final?
Flash-back.
Le livre déroule le fil d'une vie : de l'enfance au jeune adulte qui ne devint pas un vieil adulte et reste à jamais un jeune mort.
Fil rompu.
L'auteur l'aime, on le perçoit : sincérité, pudeur, défense...
Il tente l'objectivité si malaisée. Il est allé sur l'île d'Elbe où repose l'écrivain, il a rencontré des témoins qu'il remercie en fin de livre.
Il faut dire qu'Hervé Guibert n'est pas un "sujet" facile.
Il y a chez lui des espoirs de jeune loup, une violence nihiliste d'exister, des dérobades, des foucades, des provocations dérangeantes, masochistes, sadiques, des fantasmes... qui pourraient faire renâcler un lecteur non averti.
Frédéric Andrau nous guide dans la planète guilbertienne pas à pas, avec empathie et compassion.
Les rencontres, les passions, les déceptions, les trahisons, les scandales (la famille, le 7ème art, l'interviewer, les chroniques, la photographie, les auteurs, les lieux, les amours, les amis...), la soif de reconnaissance, une certaine sauvagerie, le charme tour à tour volontaire et involontaire, sont présentés, simplement dits, et contribuent à nous faire connaître (un peu) cet être complexe qui ira de déceptions à des succès confidentiels jusqu'à cette deuxième période où un public plus large découvrira "L'Homme au chapeau rouge".
La présentation des livres d'avant et d'après la maladie aide à mieux situer l'écrivain que fut Hervé Guibert : provocant, hanté de façon prémonitoire par la mort, la sienne, le sexe réel ou fantasmé dans une réalité crue qui peut toujours choquer, une esthétique de l'écriture.
Sexe et mort. Toujours ce jeu de miroirs. Toujours cette fiction/réalité dans des livres où le "je" joue un jeu de chat et de souris.
"Je" qui s'éclaircit de plus en plus jusqu'à devenir lui à part entière dans une vérité qu'il revendique : crue jusqu'à l'écoeurement, crue jusqu'au malaise, crue parce que nécessaire pour conjurer la maladie et la mort, crue pour en faire le chef d'oeuvre final sans quoi la vie ne vaut pas la peine d'être.
Difficile de sortir indemne de ce livre car au-delà de la souffrance et du combat d'Hervé Guibert, réapparaît la manière dont les sidéens étaient traités à l'époque.
Hergé Guibert, un mystère qui demeure et soulève des pourquoi sans réponses si ce n'est la sienne à chercher entre les lignes de ses livres, à scruter dans ses photos puisque mots et images se rejoignent dans l'univers de l'auteur.
Par ce livre, Frédéric Andrau rend un bel hommage accessible à tous.
"Hervé Guibert ou les Morsures du Destin".
Elles l'ont certes brisé mais le font apparaître envers et contre tout comme un être singulier usant sans tabou de sa liberté à s'exprimer.

Un grand merci à Babelio et aux Editions Séguier de m'avoir permis de revenir dans les pas d'Hervé Guibert.






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