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Critique de PatriceG


J'éprouve de la tendresse pour Leonid Andreïev, mais il faut bien reconnaître que la qualité de son oeuvre est en deça de ce qu'on dit ou de ce qu'on ne dit pas d'ailleurs. Il n'a pas eu de bol, né le cul entre deux chaises : un pied dans le tsarisme, l'autre pied chez les bolchos, ou trop dedans le régime impérial pour se faire apprécier des révolutionnaires peau de lapin ou trop romantique pour ne pas être suspecté de connivence avec l'ennemi intérieur (et extérieur) qui gangrène la société russe impériale.

Oui j'éprouve de la tendresse pour cet artiste-poète attachant qui a résisté finalement à tous les vents mauvais et tournants qui balayaient la galaxie de l'empire russe depuis qu'il est né jusqu'à sa tragique fin. Certainement un gros potentiel, mais ses allures de dandy restèrent incomprises et à force de rester dans l'ombre de machin et d'afficher ses tourments réels mais personnels ressemblant à bidule, il foira sur tous les tableaux et sa fin en définitive ne fit que confirmer son désarroi d'artiste de ne pouvoir être reconnu de son vivant pour ce qu'il était et non pas pour ce qu'il paraissait. Ajouté à cela, un amour-propre bien au delà de la moyenne mit fin à ses belles espérances. Il manquait certainement de protecteurs, de mécènes qui l'eussent porter vers les fonts baptismaux. Il termina même sa vie dans un marigot à sec, au mépris de tous : il y avait immanquablement tout à reprendre chez lui : un Butch Harmon lui eût remis son swing bancal en place !.. "La pauvreté de sa pensée, et la naïveté de ses effets littéraires, dépourvus souvent de goût.." nous dit Jules Legras, critique qui fait autorité, fussent gommés ou eussent avorté dans l'oeuf.. Cela dit, je rabaisserais d'un bémol la condescendance du critique français qui comme l'ensemble des critiques français de l'époque y compris d'aujourd'hui à l'égard des textes russes ne manquaient pas de vanité et d'autocentrisme.

Ce qui m'a intéressé, outre l'allégorie que Léonid Andréïev a fait passer maladroitement pour du symbolisme dans son oeuvre, c'est son histoire des Sept pendus, ces terroristes condamnés à mort qui pensent comme jamais ils n'ont pensé sans doute, ou qui refont le film de leur vie distinctement dans leur coin avant leur exécution. L'auteur s'ingénie de manière impressionnante à révéler leurs dernières pensées qui, -émanant de profils différents que seul le noir dessein d'assassiner un paysan et un bandit réunit -, prennent allure humaine, mais il fallait y penser avant. On se demande bien pourquoi d'ailleurs un paysan et un bandit, pourquoi pas un dignitaire du régime qui eût donné plus de sens à la nouvelle.

J'ai parfois vu dans des films le condamné à mort à moins une, outre demander grâce, nous ne sommes que des pêcheurs, ce qui va de soi, réclamer une cigarette, ce qui paraît bien dérisoire au terme de tout une vie, comme si l'envie de trucider son bourreau ne primait pas. On trouvera bien dans la salle quelqu'un pour me dire que le bourerau a aussi sa vie de famille !.. Bon voilà, j'ai essayé de mettre en haleine le lecteur sur cette oeuvre de Léonid Andréïev.

En 1910, Leonid a alors la quarantaine, quand il rend visite à Tolstoï à Iasnaïa Poliana, lui aussi au terme d'une vie et quelle vie ! Il a consigné ses impressions dans un essai intitulé Six mois avant sa mort publié en 1911 que je n'ai pas lu. Un autre titre si j'en crois certaines sources a aussi fait l'objet d'un mémoire qui a été écrit en novembre 2010, mais qui n'a pas été prononcé à cause de la censure impériale. Je lui rends grâce de toutes ces beautés du geste, admirables s'il en est !.. S'il en fût là, l'homme ne devait pas être mauvais !

J'en aurai fini présentement avec Leonid Andréïev en ajoutant à ses cordes d'artiste celle de la peinture ; je vous assure qu'il n'était pas manchot loin de là, suffisamment remarquable pour être observé !..



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