15 AOÛT. Je m'aperçois qu'on me trouve triste mine. Moi, je la trouve effrayante, absolument effrayante et pénible à voir. Je n'ai jamais été si bas ! J'ai l'air d'un déterré, d'un échappé du cercueil. Ce matin je me suis vu dans la grande glace... Non, même à l'amphithéâtre sur les pauvres gens enlevés par une longue maladie, j'ai rarement trouvé une maigreur aussi prononcée. Mes bras semblent accrochés aux épaules comme des membres de squelette... C'est la diarrhée des jours derniers qui en est la cause. Mais pourquoi cette diarrhée à rechutes continuelles ? Je suis au plus bas, à 58 kg. Le mal est-il réparable ? Je commence à en douter. Vais-je aller te retrouver, ma chérie, sous la pierre et sous les blanches couronnes de la tombe ?
Je crois être obligé de m'avouer que la morphine, qui me donne du bien-être et de l'activité physique, m'enlève plutôt la tendance rêveuse, poétique. Je deviens un homme comme les autres, plus apte à jouir mais beaucoup moins enclin à chercher, à rêver. Elle supprime donc jusqu'à un certain point le désir, l'inquiétude, l'ardeur inassouvie qui sollicitent l'activité mentale.