Le visa en poche, j'atterris sur le tarmac ensoleillé. Je vois déjà les vieilles voitures rutilantes parcourir les rues poussiéreuses de la Havane. Voitures multicolores, immeubles multicolores, filles multicolores. L'autoradio est branché sur une cassette de Buena Vista Social Club, c'est toujours mieux qu'un discours de Fidel. Les jupes des filles virevoltent sous la chaleur pour se donner de l'air frais, je rêve déjà d'un verre de rhum au bord de la piscine. Des bikinis autour de moi, des jambes bronzées, des couples qui font l'amour sur la voix d'Ibrahim Ferrer, des homosexuels qui se tiennent la main avant de s'embrasser… J'ai le droit de rêver un peu… C'est pas ça La Havane ? Alors je revois ma copie…
Les rues sont poussiéreuses. Toujours. L'air est chaud et parfumé à l'iode marin et au poulet recette vaudou. Les filles sont toujours belles, Mais c'est bien le discours de Fidel que j'entends à la radio, à la télévision. Pendant des heures… J'ai envie de leur dire : mais putain mettez un disque de Campay Segundo… Mais rien n'y fait, personne n'ose tourner le bouton de la radio… Je croise des regards, tristes et mélancoliques. J'arrive au tarmac de New-York. Il fait froid, un froid glacial, la température n'est pas en cause, mais les gens oui… Un exilé cubain, dans les années 80. Écrivain. Bon écrivain même à la lecture de ces 8 nouvelles – je vais être honnête, il y a quelques années de ça, j'avais croisé cet écrivain pour un roman qui m'avait profondément ennuyé. Je lui donne une seconde chance. Bien m'en a pris.
Reinaldo Arenas a compilé dans ce recueil les écueils de sa vie, entre 1963 et 1987, entre La Havane et New-York, escale à Miami.
J'y ai découvert une vision presque burlesque de Cuba, des fantasmagories d'écrivains, un mélange de tristesse et de mélancolie. J'aime la tristesse. J'aime aussi la mélancolie. Ça tombe bien, alors… D'autant plus que certaines histoires apportent son lot de rage et de violence. Je peux même goûter à la scatologie, un parfum de merde et de pus qui contrebalance donc celui de mon verre de rhum. J'ai senti une certaine haine mais aussi un grand amour pour son île. Cuba, la fière, Cuba la malheureuse. le pire me semble être cet espoir déchu car même à New-York ou à Miami, j'ai l'impression que l'auteur n'est pas à sa place. Mais vivre à La Havane, malgré les jolies filles - remarque il s'en fout des jolies filles -, c'est un peu comme vivre en prison les barreaux en moins, la musique en moins, les discours interminables du fidèle dictateur en plus. Faudrait-il descendre à Key West, le point le plus au sud avant l'enfer, avant l'île ensoleillée où il serait si bon de prendre un verre de rhum au bord de la piscine (j'y tiens à mon rhum). Je ne ferais pas le difficile, me contentant d'un mojito sur la plage, le soleil se couchant, mon âme plongé dans les vagues, mon regard plongé dans les bikinis… et éteindre la radio, parce que le Fidel a plutôt une voix de Castafiore… Au sud de Key Kest, l'enfer.
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