- Ce sera un garçon.
Le bonheur que tout le monde a pu constater sur le visage de mon père était énorme. Il ne savait comment exprimer sa joie, tapait de sa main droite sur le bord de la chaise et versa publiquement quelques larmes. Il a embrassé ma mère avec une force contenue. Il avait peur de l'écraser, de l'étouffer.
L'accouchement fut difficile, une opération chirurgicale s'avéra urgente et nécessaire, condamnant malheureusement ma mère à une stérilité définitive. Mais moi, j'étais là, vivante, resplendissante, une jolie fille de trois kilos. Une fille ! Quel malheur ! Les protestations adressées au gynécologue ne servirent à rien. Ce type d'erreur arrivait si rarement qu'on ne pouvait mettre en cause la fiabilité de l'appareil. Personne ne comprenait la détresse de mon père, sauf ma mère qui fondit en larmes. Je ne suis pas née dans la joie et l'allégresse, c'est le moins qu'on puisse dire.
Karima, je suis intimement persuadé que l'être humain est le seul animal qui doit penser sa vie. dans cette responsabilité essentielle réside la véritable universalité. Quels que soient le sexe ou l'ethnie, le lieu et le temps, cette nécessité vitale pousse l'humanité à chercher le chemin qui conduit au but commun : le bonheur d'exister, malgré les limites inévitables auxquelles se heurtent nos désirs, malgré les malheurs et la mort.
J'admire en toi la passion de tes engagements et la façon intransigeante que tu as à mettre ta vie en accord avec tes principes. C'est de la sincérité. Seulement, je me demande si, en abandonnant un dogme, une idéologie, des règles sociales ou une religion, sans analyse approfondie, sans autocritique, on ne risque pas de tomber dans un autre dogme et s'enfermer.