Le chignon à la chinoise des apprenties n'étaient transformé en chignon shimada à la japonaise qu'une fois la jeune vierge vendue à un client, ce qui dans le monde des geishas, s'appelait mizuage, la "montée des eaux", ou cérémonie du dépucelage.
Elle avait entendu parler du remariage de sa mère, mais il était difficile à son esprit d’enfant de six ans d’imaginer les répercussions que cela pourrait avoir sur sa vie à elle. Ce qui la réjouissait le plus dans cette histoire de mariage, c’était que sa mère lui donnait généreusement des bouts d’étoffe bien plus jolis qu’auparavant, grâce auxquels elle avait enfin pu confectionner le luxueux ensemble de lit dont elle rêvait depuis longtemps pour sa poupée. Elle décida de coudre l’oreiller le lendemain, posa au bout de la couette le petit sachet rempli de haricots secs avec lequel elle jouait à la balle, et posa doucement la tête de la poupée dessus.
Seule la jalousie expliquait qu’une veuve trouve tant à redire au remariage d’une autre veuve, voilà le reproche que la fille venait de faire à sa mère !
C’était sa coquetterie, ni plus ni moins, qui avait arrêté sur elle les yeux du fils du chef du village! Tsuna restait assise en silence, son regard haineux fixé sur le sous-kimono bigarré posé sur les genoux d'Ikuyo et que celle-ci était en train de coudre. Lors des premières noces de sa fille. Tsuna avait diligemment manié l’aiguille pour l’aider à confectionner son trousseau, mais cette fois, elle s’était promis de ne pas lever le petit doigt pour l’aider à coudre son kimono de cérémonie.
Aucune autre femme ne quitterait ainsi sa maison pour se marier, en abandonnant sa fille, alors qu’elle pourrait rester y vivre sans se faire de souci. Ce n’est quand même pas l’amour qui l’a rendue folle ! Tsuna se plaignait sans cesse. Elle ne comprenait décidément pas sa fille, qui se mariait pour aller vivre dans la triste maison d’un veuf, au lieu de rester avec elle, d’autant plus qu’elle avait déjà une fois dans sa vie porté le kimono de mariage.
Cette femme d’à peine quarante ans, en plein épanouissement de sa féminité, avec ses rondeurs légères et sa peau blanche, paraissait jeune pour être déjà grand-mère.
Elle était un peu trop petite pour son âge, mais son profil bien découpé, ses yeux ronds et sa lèvre inférieure renflée déconcertaient dans son visage de petite fille : il y avait en elle quelque chose de sérieux qui n’appartenait pas à l’enfance. Celle grosse aiguille ne convenait pas pour coudre de la soie. Elle avait pris la précaution de l’huiler mais l’aiguille faisait de grands trous dans la soie qu’elle traversait avec un crissement, et le mince fil de soie rouge égaré dans ce large trou avançait péniblement.