Il est différent des autres... Les autres, ils me regardent en pensant à une seule chose, et vous savez laquelle. Lui, il est pur. Quand il me regarde, je me sens meilleure...
Un souvenir gênant revenait parfois me troubler, mais je ne lui permettais pas de s'inscruster. Je le repoussais avec force. Mon subconscient prenait alors sa revanche et il m'arrivait de revivre, en rêve, cet instant où j'avais cédé à Honoré comme une femme facile. Je me réveillais le rouge au front et la honte dans le cœur. Il me fallait plusieurs jours, ensuite, pour chasser le sentiment de culpabilité que je ressentais.
Mon mariage a été ce qu'on appelle un mariage de convenances. Mes parents m'ont fait épouser Roger. Je ne l'aimais pas, pas plus qu'il ne m'aimait. Si j'avais été amoureuse de quelqu'un d'autre, j'aurais protesté, refusé. Comme ce n'était pas le cas, je me suis dit : « Lui ou un autre, c'est pareil. »
Une mère est une mère, quel que soit le pays dans lequel elle vit.
En les voyant se poursuivre dans la cour et pousser des cris de joie, je me disais que leurs rires chassaient la tristesse et la peur que nous avions connues dans cette maison au cours des années de guerre. Et c'était bien ainsi. Leur jeunesse nous entraînait vers l'avenir, et repoussait loin dans le passé les souvenirs douloureux.
Par coquetterie, je suppose, pour qu'il continue à voir en moi une femme attirante. Je ne voulais pas de sa pitié. Je me faisais belle chaque fois que j'allais le rencontrer, mon cœur battait comme s'il s'agissait de mon premier rendez-vous. Je vivais dans l'espoir d'un regard, d'un sourire. Je ne demandais rien de plus. Je n'ai rien fait de mal. Je ne voulais que le voir.