Oeuvres complètes, tome 15 : Cahiers de Rodez (février-avril 1945)

Et je ne veux pas être l'être pain,
le pain se fabrique et il se mange.

"Silence aux voix. La vérité ne se suppute pas dans l'esprit. On vit ses
états de vérité, on ne les discute pas. Parce que l'esprit ne peut pas les atteindre et que le Verbe
n'est pas assez rapide pour les enregistrer tous. [...] parler c'est perdre une vérité. L'état qui
manifeste le tout n'est pas discursif"

Voilà, dis-je, l'espèce de fantoche troué, de hideux
repoussoir de l'homme que les chrétiens adorent
sous le nom de
Jésus-christ le crucifié.

Ils n'ont jamais été très dégoûtés.
Et il n'y. a pas d'autre christ,
pas d'autre fantoche désincorporé qui, loin des turpitudes et saletés du corps,
serait descendu aux enfers
rompre les chaines d'une humanité purement morale
et qui descendrait depuis 2 000 ans quotidiennement
sur les autels.
S'il y a un reste, c'est un reste fœtal du corps perdu des
choses qui ressort ainsi universellement
tous les mille ans
par les lèvres de la matrice matérialisée des choses,
et comme serait-elle,
sinon par les manœuvres de la plus sale magie des
bêtes,
réincarnée et réincorporée ?
28
ko"imonk
redi
talik
onok
ko"imonk eretiki
enoch
tapo
kalen
elen
meinarck eretiki
ya mon terbo
dorfel
te dan
e netezo

Car Jésus-christ est le nom obscène de la poupée
impie, du vampire animé,
que les lèvres syphilisées de la matrice
experte
des choses
forment automatiquement tous les mille ans,
et qu'elles sont prêtes à former encore une fois,
je ne sais où mais je crois bien que c'est du côtê des
steppes du Turkestan cette fois-ci;
si on se dêcide pas à les laisser faire,
et si on ne met pas une fois pour toutes la main au
collier de tous leurs sales sorciers
afin de les passer à la broche
et,
après les avoir minutieusement compilés,
de les faire mettre et de les enterrer vivants dans un
grill maintenu enflammê.
On connaît le nom de la lope de magicien noir que tous
les chrêtiens depuis .Z 000 ans environ adorent sous
le nom de Jésus-christ.
TI s'appelait authentiquement Nalpas, et appartenait à
une famille reconnue de parias, c'est-à-dire d'intouchables que nul n'approchait,
et non à cause de leurs maladies,
mais à cause de leurs mœurs qui en faisaient des
malades d'un genre particulier,
chargés de plaques, d'escharres, de bubons, d'ulcères,
de tumeurs,
mais suant et soufflant surtout une espèce d'humeur
morveuse,
où la morve se mêlange à la salive piquetée et infecte
et le sang à l'urine,

aUx: liqueurs des organes internes,
et finalement aux excréments.
Voilà la levure crasseuse d'humanité, qui n'eut jamais
d'autre but que de bestialiser son état d'homme
(et, parce qu'il se croyait psychurge, le faisait systématiquement et comme par but),
voici le spécimen éjecté des lèvres rodées
de la matrice noire.
Car celui qu'on a appdé
et qu'on appelle maintenant le Messie ou le christ
(sans savoir que christ
voulait dire en hébreu
PET D'ANE)
et que les christs étaient une famille d'hommes indurés,
restés sur la terre depuis le Déluge
et demeurés là
dans une espèce d'état de pétrification latente
entre l'homme et l'animalité, qui faisait de chaque
participant de la famille de CHRIST une espèce
d'âne type, de baudet-né,
d'homme qui ne s'était pas décidé pour la vie de
l'homme,
mais n'avait pu garder la vie de l'âne entièrement,
et constituait cette famille de parias que le christ soigne
et où il aurait mieux fait d'aller se faire lui-même
soigner.

Le christ est cette chose barattée,
cette espèce d'ovule ou de vulve psychique
à qui le prêtre est chargé de faire rendre
journellement
sa tumeur de suée.
•
Etre christ
n'est pas
être
Jésus-christ.
L'histoire de la lope Eucharistique issue du sperme
frelaté de dieu m'a assez fait suer le cœur,
chier l'esprit,
pour que je veuille en toucher un mot pour la partie
qui me concerne
et qui est, dirai-je, la principale,
le reste n'étant que ragots de cuisine, grossièretés de
quartier et de corvée dans les casernes
ou plus tôt
NON
et bas les pattes, AZOR,
la lope répugnante de la bête innée de chacun
et de la chatte de tous les êtres
ne va pas continuer à -nous envoûter sous le nom ignoble
et pédérastique de
Jésus-christ
sorti il y a 2 mille ans de tous les bas ·égouts de
Jérusalem
et répandu depuis universellement
en dérision de toute haute spiritualité possible,
de toute science,
de tout homme fait.

Or ce sont les levantins
les derniers
qui ont trouvé un moyen gastrique
de faire rendre à la source de la vieille mécanique
magique
sa nouvelle et dernière portée,

ce qui veut dire que le christ est un foutre ou un
beurre,
le beurre et le foutre d'une portée,
et je crache sur sa source innée.
Je n'ai rien à donner à personne
en ce qui me concerne,
j'ignore tout de cette humanité,
mais si je voulais donner quelque chose à quiconque,
ce n'est pas par le ventre et le sexe,
le rouleau de Pénélope du sexe,
la boîte à marcassin de la crème du sperme inné
que je le donnerai.
Depuis neuf ans que je me suis remis à travailler
je me suis refait en arbre clouté,
mais ce n'est pas pour donner la vie
à tels ignobles produits
comme certains danseurs de cabarets corfiotes s' obstinent à nous présenter.
La vie sort par l'effet de certains rites eucharistiques
dont ceux du christ étaient les mieux réussis.
On a vu dans certains cabarets
ces gobelets
qu'on rentre l'un dans l'autre
puis qu'on agite
pour en tirer de succulents sorbets.
C'est par l'effet d'un barattement analogue
que toutes les églises
ainsi
maintiennent la vie en activité.

Ainsi donc
toute une humanité pleine de crime et débordante de
péché
s'est imaginé de disposer du seul Artaud pour vivre
et d'y penser.
n y a des années et des années que je le sais,
que c'est en moi que tous les êtres se servent,
qu'ils s'y servent en goujats et en mufles et sont tous
des dégoûtants.
Quand de si terribles douleurs sont en suspens,
Le Jugement dernier,
on nous a déjà assez emmerdés.
La crème du maquerotin,
le caïmac du levantin,
le beurre, la morve et le foutre du thibétain,
c'est moi, Artaud, qui les produis et les fournis,

je ne l'ai appris qu'il y a quelques années et par hasard
que c'était moi, Artaud,
qui faisais à l'être son beurre
et qu'après s'être en moi servi
il se retourne
et crache sur ce qu'il a pris,
il abjecte,
comme il est dit,
la source imbécile de sa vie
et quand moi, Artaud, je demande en échange un peu
d'opium,
je ne peux pas en obtenir.
rai toujours dit que je me refusais à ce métier qui
consiste à être
la source automatique
d'un être
qui se sert en moi
par un battement du pied ou de la narine,
une espèce de battement singulier
que fait
la narine avec les doigts du pied,
et que, si j'étais la source de l'être,
je trouvais cet être abject et laid
et que je ne voulais absolument pas y participer.

C'est ainsi que toute la médecine ne sera jamais qu'une
et monstrueuse duperie scientifique, parce qu'elle
est toute basée sur la perpétration, pas encore entièrement achevée à cette heure, d'un immense crime
humain.
Quand la crucifixion du Golgotha eut lieu, le système
de la circulation sanguine n'existait pas tant qu'il
existe actuellement, il y manquait une chose capitale
qui a parachevé l' asservissement du corps humain à
ses organes,
le sang sorti du cœur ne retournait pas encore
toujours

et invariablement
au cœur,
c'est-à-dire qu'un certain automatisme organique
n'était pas encore irrémédiablement établi et que
des libertés étaient laissées à l'exercice de cette
hùmeur spontanée et sourde qui se ramasse comme
auditivement derrière la rate du corps humain, qui
décompose auriculairement les colères noires de la
rate et leur permet de trouver une issue dans une
certaine aura-phonie des lèvres ou du gosier humains

manurpa natu
nalurpa
manalurpa
analurpa
n reste en tout cas de la fuite de Jésus-christ
(christ des pets ou gaz méphitiques de l'-âne)
au Turkestan,
et de la mort du crucifié authentique du Golgotha,
un certain nombre de questions capitales
et pour l'anatomie historique du corps humain,
et pour l'HISTOIRE
et pour LA SOCIÉTÉ
et pour les sciences,
mais il en reste quelques-unes à mon sens plus graves,
parce que plus urgentes à résoudre que les autres :
elles touchent à. l'existence des sciences médicales
elles-mêmes,
c'est-à-dire de la médecine qui ne sera jamais qu'une
monstrueuse et criminelle duperie,
tant que 2 points,
pourtant immédiatement accessibles,
n'auront pas été immédiatement résolus :

celui de l'involution organique régressive de l'être
humain;
l'homme veut redevenir mauvais et se relâcher dans la
tenue de ses organes internes, son but vital majeur
n'est plus autre chose que de parvenir à se bestialiser,
les bêtes ont des pouvoirs perdus que certains hommes
pensent maintenant reconquérir à leur place,
ils pensent qu'au fond de l'involution régressive est
une sortie vers une espèce de magnétisation spontanée de certains états enfouis du derme et qu'ils
espèrent retrouver,
c'est passionnant,
c'est là que l'excrément fait son entrée dans les portes,
à travers les gonds pour la dernière fois soulevés des
quatre portes,
depuis toujours,
dit la littérature inavalable des Brahmanes,
« des tours inutiles, passives et stériles de Bénarès ».

Et Dieu n'a pas fait l'homme qui est venu tout seul, de
lui-même et en une fois, disait cet homme,
mais l'homme n'a pas produit dieu,
il' a regardé et laissé une, deux, trois, quatre, cinq, six,
sept, huit, dix, douze, treize, quinze, dix-neuf et
vingt-six fois se manifester et se produire comme
une inévitable nécessité,

sachant que lui, l'homme, aurait le pouvoir . et la
puissance
et qu,il les aurait du petit côté peut-être et sans la
gloire
mais assurément,
c, est durablement,
durablement,
obstinément,
dans un êtat d'obstination horrible,.
férocement,
foncièrement,
et pour toujours.
Et Dieu ne peut pas être cet obstiné, son orgueil
luciférien le lui interdit de naissance.
Et c'est cet orgueil même qui ra perdu.
Aujourd,hui dieu vit toujours, il s'est retirê avec Jésus-christ son fils lui-même dans des parties rocheuses perdues des steppes du Turkestan où il est assez
dur d'aller le chercher.
darba dela
clara lerba delela
dela delela
derba daia
Jamais d'ailleurs l'ombre .d'une lunaison ne fut sur lui
ni cette espèce de sidêral tremblement de la précession
des équinoxes
où le ciel, sphère sur sphère,
de la première montêe labiale de la parole àl' affreuse

interjection abortive de l'excrémentielle malédiction
fond sur lui et se délivre de son péché,
celui d'avoir regardé un être pour se voir soi-même
exister,
mais tout cela est passé par l'homme jeté de la croix dû
Golgotha au néant d'un fumier quelconque qui était
là.