AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Livretoi


Nietzsche, quel philosophe ! Quel homme ! Quelle vie ! Quelle solitude ! Quelle souffrance ! Quel courage ! Quel destin ! Quelle descendance !

Pas un philosophe qui ne lui rende hommage, qui ne soit admiratif, de Foucault à Deleuze en passant par Onfray ou Luc Ferry, et bien d'autres, dont l'auteur Dorian ASTOR, spécialiste de Nietzsche, auteur de cette biographie de 2011 et également auteur d'un essai "Nietzsche, la détresse du présent" (2014), puis de "Deviens ce que tu es, pour une vie philosophique" (2016). Il a aussi dirigé le "Dictionnaire Nietzsche (2017) dans la collection Bouquins.

La critique de 5Arabella synthétise parfaitement ce qu'on pourra trouver dans cette biographie, notamment le parallèle entre la vie de Nietzsche et l'oeuvre en construction, l'articulation entre certains événements de sa vie et l'évolution de sa pensée reflétée par le contenu et le titre même de ses ouvrages.

Marqué par le décès précoce de son père pasteur lorsqu'il avait 5 ans, Nietzsche a recherché un père de substitution, un Dieu, une figure tutélaire. Pas étonnant qu'il ait voué une admiration sans borne à Schopenhauer, puis à Wagner, puis à un prophète Zarathoustra, puis à un Surhomme, un homme idéalisé, sorte de Dieu incarné.
Pour autant le Surhomme a la tête dans les étoiles et les pieds sur terre car il est toujours dans une démarche de dépassement de ses contradictions, de connaissance de soi, de recherche de la vérité, de reconnaissance de ses faiblesses, à la fois exigeant et humble, conscient éventuellement de sa valeur (comme Nietzsche l'était) mais se sachant misérable, humain trop humain malgré tout.

Ce qui me touche dans la figure de Nietzsche c'est ce contraste entre le monstrueux génie de la pensée qu'il est, au-dessus du troupeau, et la profonde humanité qui s'en dégage (ses maladies, ses souffrances physiques, sa solitude, son désespoir de ne pas être marié, de ne pas savoir conserver ses amis, son infini tristesse d'avoir perdu sa disciple Lou Salomé et raté un amour d'étoiles, son courage d'assumer sa différence et ce destin unique).

Et cette fin tragique, cette attaque cérébrale qui le saisit brutalement le 3 janvier 1889, comme son père déjà frappé de mutisme soudain et mort prématurément. Nietzsche pressentait depuis longtemps une telle fin.

Dans une lettre de 1879 il écrivait : "...l'effrayant et presque incessant martyre de ma vie fait naître en moi le désir d'en finir, et selon certains indices, l'hémorragie cérébrale qui me libérera est suffisamment proche pour me permettre d'espérer. Quant au supplice et au renoncement, ma vie peut se mesurer à celle des ascètes, de n'importe quelle époque ; j'ai malgré tout acquis bien des choses pour purifier et polir mon âme – et pour cela je n'ai plus besoin de la religion ni de l'art."
Dans une lettre de 1883 il écrivait : "Le curieux danger de cet été se nomme pour moi – n'ayons pas peur de ce méchant mot — folie. »

L'inventeur de l'idée de "L'Eternel Retour" qui préconisait comme morale d'agir de telle sorte que ce qu'on fait une fois on veuille le refaire une infinité de fois, a bouclé la boucle et appliqué à lui-même cette morale en devenant fou, prostré, figé, éternel. Nietzsche est l'éternel retour à la fin de sa vie. Il a payé le prix d'une pensée trop libre.

" La question posée à propos de tout, et de chaque chose : Voudrais-tu de ceci encore une fois et d'innombrables fois ? » pèserait comme le poids le plus lourd sur ton action ! Ou combien ne te faudrait-il pas témoigner de bienveillance envers toi-même et la vie, pour ne désirer plus rien que cette dernière, éternelle confirmation, cette dernière, éternelle sanction ? "
Paragraphe 341 du Gai Savoir de Nietzsche
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}