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Critique de 4bis


J'avais été envoutée par Une vie après l'autre où l'on faisait la connaissance d'Ursula Todd, la soeur du Teddy dont les aventures constituent cet Homme est un dieu en ruine. Comme Paul Auster après elle dans 4, 3, 2, 1, Kate Atkinson y explore les possibilités fictionnelles et fait vivre plusieurs destins à son personnage Ursula.
A Teddy, elle ne réserve pas tout à fait le même sort, et je n'en dirai pas plus pour ne pas déflorer le roman. Mais on retrouve l'atmosphère anglaise de la deuxième guerre mondiale, cette aimable société bourgeoise qui affronte les événements avec un stoïcisme plein d'élégance.
Au-delà de la bouffée délicieusement nostalgique qu'évoque cet univers, et quoi que cette nostalgie ait de fantasmé, le roman propose d'interroger ces événements selon le mécanisme fractal et aléatoire des souvenirs de Teddy. Enjambant de longues périodes, revenant, par la force d'un minuscule élément dans un passé lointain, faisant apparemment fi de la construction chronologique d'une existence, le livre explore ainsi la béance existant entre différentes lectures des événements.
Là où, à propos des bombardements alliés sur les villes allemandes, on parlait nécessité et courage, les études historiques ont montré la nécessaire approximation des tirs, l'implacable charnier provoqué, la quasi inutilité militaire et stratégique du carnage. Pourtant il faut bien vivre après. Pourtant la vérité des souvenirs de Teddy vaut bien celle des recherches universitaires ou des discours politiques. Et la nécessité de détruire le régime nazi vaut toutes les absolutions. Quelles que soient les raisons qui aient permis que prospère un tel régime. (La postface de Kate Atkinson est à ce titre tout à fait instructive.)
Et cette lecture qui remet en cause l'univocité d'une interprétation vaut pour tous les personnages du roman : la pragmatique, enjouée et intelligente Nancy, l'insupportable Viola voient leurs comportements lus à l'aune de ce qu'en savent les uns et les autres, de ce que le sort les a laissé être. Dans la fragile vraisemblance des interactions entre chacun.
Le constat est aride : nous sommes impuissance à dominer notre destin ou simplement à l'entrevoir et notre être se réduit à la somme de ce qu'on aura bien voulu voir de nous. Pourtant, l'épaisseur que prend la narration met à distance une possible déréliction.
Et c'est ce qui fait tout le sel du roman : le soin apporté à raconter la trame des existences. A faire vivre cette deuxième moitié du 20e siècle, des années de reconstruction passées, pour Teddy et Nancy, dans la frugalité paradisiaque d'une campagne anglaise loin de tous les conforts à la déchéance médicalisée d'une maison de retraite au modernisme affligeant. Entre les deux, les méandres et les affections d'une vie qui persiste. La résolution à se montrer humain quels que soient les rouages qui aient été brisés auparavant.
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