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Critique de pompimpon


"De tout ce que j'ai lu, il ressort surtout que le D. X. et ses semblables – les amis de l'ordre, au pouvoir à Paris depuis le 28 mai 1871 – ont tout fait, justement, pour que ce nombre ne soit pas connu. Ils ont tout fait pour que rien de la véridique histoire de la Commune ne soit connu, et en particulier, pour que ses morts disparaissent autant que possible.
Et ils ont réussi."

Pas complètement, ajoute ensuite Michèle Audin dans sa conclusion, après 220 pages de confrontation avec les textes, archives et registres autour de la Commune de 1871 et de la Semaine sanglante en particulier.

Comme elle le souligne en citant Camille Pelletan, "il ne s'agit pas (…) de se jeter des cadavres et des crimes à la tête, mais de considérer les êtres humains qu'ont été ces cadavres avec respect, de ne pas les laisser disparaître encore une fois…"

Il est étonnant de voir comme on en revient toujours, toujours à ce point essentiel : dire le nombre, c'est dire aussi les êtres humains et la façon dont ils ont été fauchés.
Le minimiser, voire le taire, c'est nier ces vies, effacer leurs espérances anéanties.

Les documents manquent, qui pourraient poser les faits. Les registres d'état-civil ne disent pas ce que disent les registres des cimetières, qui ne disent pas ce que disent les témoignages. Ces derniers, directs ou indirects, proches de l'évènement ou écrits beaucoup plus tard, sont forcément partiaux.

Retrouver les victimes des exactions et des exécutions commises par les versaillais durant la Semaine sanglante n'est pas anodin.
Le sujet même ne prête pas à l'impartialité, Michèle Audin n'y prétend pas elle-même.

Ce livre court, qui évoque rapidement la Commune, tort le cou à quelques idées reçues et met quelques points sur les i, nous plonge ensuite au coeur du sujet en récapilutant les points de recherches : cimetières, puis morts enterrés ou pas à Paris en dehors des cimetières, puis ossements découverts au cours des années suivantes durant des travaux de voirie.

Michèle Audin y compare les sources, des écrivains et journalistes de l'époque aux historiens d'aujourd'hui.
Et elle donne les chiffres qu'elle a trouvé, qu'elle a reconstitués, en soulignant pourquoi ils restent incomplets et pourquoi le nombre réel des victimes de la Semaine sanglante ne sera sans doute jamais connu.

Ce n'est pas une lecture facile, mais je la trouve nécessaire.
En une poignée de pages, tous les aspects de la Semaine sanglante sont abordés, qui permettent d'en comprendre la férocité.

La virulence des extraits de presse de l'époque et des témoignages ne laisse pas de place au doute.
C'est une haine terrible qui s'exprime contre les communards, il n'y a pas "les morts de part et d'autre", il y a une volonté d'anéantissement total qui pousse à fusiller et massacrer à tout va, hommes, femmes, enfants, dans une fureur sans fin.
Ça m'a suffoquée.

Et puis il y a ces corps qu'on jette à l'eau, qu'on brûle, qu'on enterre dans des fosses imporvisées, dont on prend bien garde de n'en pas laisser de trace dans les documents officiels.
Ces corps dont Zola, anti-communard comme bien d'autres écrivains, dit : "Les bandits vont empester la grande cité de leurs cadavres – jusque dans leur pourriture ces misérables nous feront du mal."
Quel venin contre des cadavres, vraiment…

Je préfère finir avec les mots de Michèle Audin : "La vraie conclusion est qu'il reste bien des pistes de recherche ouvertes sur la façon dont sont morts, mais aussi ont vécu les communardes et les communards."
Une bonne bibliographie et des références complètent l'ouvrage pour qui veut aller plus loin.
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