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Critique de michfred


Encore une fois la petite collection rouge de Grasset fait merveille: rééditer , ensemble, Marie-Claire et L'Atelier de Marie-Claire, voilà un joli coup double!

Le livre est ancien, l'époque aussi, avant la guerre de 14, mais rien n'y est "daté".

Pourtant, si je résume, on a l'impression d'avoir vu ce scénario dans tous les romans à l'eau de rose, les mélos ou les feuilletons populistes...Les Misérables , mais sans le panache..

Marie-Claire, enfant pauvre, vit en Sologne, terre pauvre. Orpheline de mère, abandonnée par son père, buveur, elle perd de vue sa soeur dont on la sépare, et est placée dans un couvent pour y apprendre un métier qui lui donnera un peu d'autonomie, ou, sinon, pour la faire entrer dans les ordres, et prier pour son prochain...

L'affection d'une "bonne soeur", Marie-Aimée, lui donne plus: elle connaît l'amour maternel, qui lui a tant manqué, et par le biais des amours devinées de la jeune soeur pour le curé du couvent, elle entrevoit le mystère palpitant de l'amour humain..

Elle quitte le couvent, et devient bergère. Puis ouvrière dans un atelier de couture...

Le résumé de Marie-Claire n'a, comme souvent, aucun intérêt. A deux détails près.

Le premier, c'est que Marie-Claire, c'est Marguerite Audoux...

Charles-Louis Philippe, auteur de "Bubu de Montparnasse" qui riait volontiers avec cette petite couturière presque aveugle, découvrit un jour qu'elle écrivait, il lut son manuscrit, s'enthousiasma, le fit lire à Octave Mirbeau...et Marguerite Audoux reçut pour son premier livre le Prix Fémina. le premier point , c'est son authenticité: voilà une espèce de conte de fées qui semblerait lui aussi relever du poncif ou du happy end d'un roman à l'eau de rose, s'il n'était entièrement vrai.

Le second point qui distingue ce roman d'un feuilleton pour Bovary de campagne, c'est le style.

Une façon aérienne de relier entre eux les événements, sans jamais s'appesantir sur les liens de causalité, sans expliciter les non-dits, sans percer le mystère des relations aux êtres, sans tuer la poésie des relations aux choses, sans alourdir d'images inutiles la description de la nature toujours juste, directe et simple. je ne résiste pas au plaisir de vous donner l'incipit de ce récit: il en donne le ton, la force discrète et l'originalité:

"Un jour, il vint beaucoup de monde chez nous. Les hommes entraient comme dans une église, et les femmes faisaient le signe de la croix en sortant.

Je me glissai dans la chambre de mes parents, et je fus bien étonnée de voir que ma mère avait une grande bougie allumée près de son lit. Mon père se penchait sur le pied du lit, pour regarder ma mère, qui dormait les mains croisées sur sa poitrine.

Notre voisine, la mère Colas, nous garda tout le jour chez elle. À toutes les femmes qui sortaient de chez nous, elle disait :

— Vous savez, elle n'a pas voulu embrasser ses enfants.

Les femmes se mouchaient en nous regardant, et la mère Colas ajoutait :

— Ces maladies-là, ça rend méchant.

Les jours qui suivirent, nous avions des robes à larges carreaux blancs et noirs."

Cette écriture blanche, ce refus du pathos, cette légèreté grave, c'est tout Marguerite Audoux...Une bergère un peu sylphide,dans sa forêt solognote, une cousette presque aveugle qui savait regarder avec les yeux de l'âme..

Un grand écrivain, à redécouvrir!

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