Citations sur Le Vieillard et l'Enfant (12)
Mes carnets, je les mettrai à la poste; au hasard; vers l'Asie, vers l'Europe et vers l'Océanie; et je danserai dans les vallées de pierre.
Les nuages bleus et noirs. O, l'éternelle victoire des petits livres qui ruinèrent la gloire des Conquérants.
Cet homme qui n'en sait rien ne survivra que dans mes humbles carnets; lui, dont l'orgueil alla jusqu'à se bâtir un mausolée de son vivant, il devra tout à un enfant qui sait à peine ecrire; lutte avec l'ange dont je suis le vainqueur; il ne restera rien de lui, rien de son musée, sauf ce que j'aurai sauvé d'un éternel oubli dans mes carnets de couleur , ocre, bleu et rouge, mis à la poste, secrètement dans ce désert.
Je bois mes larmes, je vais toujours plus loin sur les falaises roses, prenant le ciel à témoin de mon âme éternelle, jusqu'à des vallées de pierre, comme les cratères de la lune.
Qu'ai-je fait, si loin des écrivains de mon temps; en Afrique ils avaient un rival inconnu.
Je ferai ce qu'il veut; nous mettrons le gramophone en marche, je fixerai une aiguille de couture à l'appareil, nous écouterons la musique à côté d'un coin de la table. La tête dans les bras, du sable dans les poches de mon blouson de laine, je fermerai les yeux dans l'obscurité de la nuit.
Quand il en a fini avec moi, sur les reserves à outils sans toiture, comme des rayons de miel emplis de ténèbres, nul n'a désiré ecrire autant que moi; et, quand j'ai sauté dans un de ces trous à bêches et à poutres et pris mes carnets dans un mur, mes mains errent sur l'argile craquelée du sol, et devinent ma détresse dans l'obscurité de ma vie.
Il m'a photographié ; pour lui seul je suis venu de la nuit; cet homme devant qui je parais. J'ai quitté pour lui mes éternelles errances sur les collines de pierre, et, ce soir, je suis debout devant son lit et il s'en fâche. Il s'élève contre mes façons avec tant de sottise, faisant état de son rang et de son âge, que j'en frappe le ciel noir, au seuil de dix siècles de guerres, d'embuscades et de ruses.
Nous dînons devant la véranda, à la lueur d'une lampe posée sur la table tirée dans la cour, jusqu'à nos arbres. Il fait si chaud déjà qu'il dormira sur un toit dans le grand lit de fer. Il y dort nu dès les premières chaleurs, près des palmes, du côté des longues falaises roses. La lune dessine violemment nos toits blancs où je dors où je veux, le plus souvent sur une tour, à l'est, à l'ombre d'un créneau, le ciel immense, limpide ou traversé de nuages blancs au-dessus de ma tête ; et tous les astres de la nuit.
Je foule un sable pur de toute souillure comme à l'aube du monde.
Le vent souffle si violemment que je reste dans les étables tout au fond des pailles humides et chaudes; puis j'entre chez lui sans lui parler, comme étranger dans sa maison, et je m'assois devant le feu. Il m'observe un instant, se lève, claque la porte et me bat.
Puisqu'il a l'habitude de m'avoir ainsi, le soir, je m'y accoutume, et, malgré la peur, ma tête contre les barres de fer, je parle avec mon âme éternelle. Il est comme le dernier homme que je verrais avant de mourir, au-dessus de moi, haletant, le souffle rapide, comme s'il voulait me tuer, masquant toute une région du ciel.