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Critique de Sarindar


Martin Aurell fait oeuvre pionnière en France.
Nous avons eu une longue suite d'historiens qui ont vanté l'esprit de Croisade et l'exploit guerrier que représentait l'expédition Outre-mer, comme on le disait en ce temps-là, et qui fut maintes fois répétée, sous un prétexte religieux de sécurisation des Lieux Saints en Palestine, au Liban et en Syrie, menacés par l'expansion musulmane et la poussée turque seldjoukide. de François Michaud à René Grousset, en gros.
Puis, il y eut la longue série des histoires des Croisades qui présentèrent les choses sous l'angle narratif et critique, sans plus. Mettons jusqu'à Jean Richard, ce qui donna de bonnes synthèses.
On eut droit à l'analyse du phénomène du point de vue idéologique, et dans le rapport établi avec les entreprises coloniales impérialistes menées par les Occidentaux aux XIXe et XXe siècles. Il y eut aussi l'approche des Croisades considérées par les Orientaux et par les Arabes (Amin Maalouf et autres).
Voici que Martin Aurell innove - en France du moins, car il y a eu tout de même Criticism of Crusading d'Elisabeth Siberry en 1985 - et va nous dénicher, dans les archives françaises, italiennes et allemandes, entre autres, tous les textes de ceux qui s'élevèrent contre les Croisades, des oppositions parfois radicales, et pour des raisons liées aux valeurs philosophiques et spirituelles d'amour, de fraternité humaine et de charité véhiculées par le christianisme. On pense ici au Clunisien Pierre le Vénérable, qui était en dispute avec le Cistercien Bernard de Clairvaux qui lui soutenait à fond l'entreprise de croisade et la création de la milice du Christ que voulut être l'ordre du Temple.
Il y eut aussi des dénonciations littéraires de la Croisade, attaquée sous plusieurs angles : intérêts sordides de gens qui se lançaient dans l'affaire pour mettre la main sur le bien d'autrui, juif, byzantin, musulman, etc. ; antisémitisme larvé ou violent manifesté par les Croisés alors qu'ils traversaient les pays européens pour gagner la Terre Sainte ; détournement d'objectif avec la Quatrième croisade tournée contre Constantinople par les Vénitiens ; etc.
Le livre d'Aurell vient incontestablement combler une lacune, et l'on notera l'abondance de sources et la richesse de la bibliographie qui renvoient à des textes qui montrent que la condamnation de la Croisade, en tant que telle, fut le fait de beaucoup d'esprits éclairés, que leurs hiérarchies et que les majorités d'opinion veillèrent toutefois à marginaliser comme l'expression de gens qui restaient au fond minoritaires dans leurs milieux.
Le thème et lr contenu du livre de Martin Aurell deviennent, de fait, des éléments de plus à prendre en compte dans l'étude des Croisades.

François Sarindar, auteur de : Jeanne d'Arc, une mission inachevée (2015)
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