Rien n'est plus réel que ces grandes secousses que deux âmes se donnent en échangeant une étincelle.
Il resta assis près d’elle à la regarder dormir. Il la trouva à cet instant si vulnérable. Toutes les épreuves vécues depuis un an lui revinrent alors à l’esprit.
À cet instant, je pris conscience que la guerre nous obligeait sans cesse à aller puiser en chacun de nous des ressources insoupçonnées. Elle n’était qu’un prisme qui pouvait faire ressortir le pire comme le meilleur chez les individus.
Comment ces adultes pouvaient-ils être si hypocrites, à répéter constamment aux enfants la nécessité de communiquer pour vivre paisiblement avec les autres, alors qu’eux-mêmes étaient incapables d’affronter leurs problèmes ?
Pourtant, ces silences avaient été bien plus confortables pour eux que tout ce qu’ils auraient pu se dire. Chacun avait mené son dialogue intérieur, taisant tout ce qu’il aurait aimé avouer à l’autre.
𝘌𝘭𝘭𝘦 𝘯𝘦 𝘷𝘰𝘶𝘭𝘢𝘪𝘵 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘳𝘪𝘦𝘯 𝘦𝘯𝘵𝘳𝘦𝘱𝘳𝘦𝘯𝘥𝘳𝘦, 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘳𝘪𝘦𝘯 𝘳𝘪𝘴𝘲𝘶𝘦𝘳, 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘳𝘪𝘦𝘯 𝘳ê𝘷𝘦𝘳.
Tu sais pertinemment que ce n’est pas le problème. Elle n’est pas responsable de tout ce qu’il nous arrive. Elle n’est qu’une conséquence désastreuse d’un enchaînement de circonstances dramatiques
— Une conséquence désastreuse d’un enchaînement de circonstances dramatiques ? Une conséquence désastreuse… d’un enchaînement de… circonstances dramatiques ! Tu n’as trouvé que ça comme excuse ? Va te faire voir, Greg !
Elle le laissa planté là, tandis qu’il essayait de la retenir par le bras. Elle ne se retourna même pas quand il cria son prénom une dernière fois. » (de « Tu sais où me trouver !
Le voyant demandant que les ceintures soient attachées se ralluma soudainement, tandis qu'une voix féminine très paisible les prévenait de leur entrée dans une zone de turbulences. Else se mit à sourire en remarquant le signal s'éclairer. Elle songea aussitôt qu'il était bien dommage que les êtres humains n'en soient pas dotés : il leur serait tellement plus facile de se préparer à avoir leur vie complètement secouée. Ainsi avertis, ils pourraient se mettre en boule et attendre que cela se termine, en espérant survivre ou, à défaut, subir le moins de dégâts possibles.
Au travers de la vitrine, elle observa la librairie qui représentait tout ce qu'elle appréciait. Ses lumières étaient douces, ses bibliothèques en bois lui donnaient un aspect très classique, mais aussi très chaleureux. Elle avait adoré y travailler, entendre le bruit des pages que l'on tournait délicatement, profiter de ce silence presque religieux que provoquait instinctivement la présence de tous ces livres.
Cette soirée lui avait tout de même donné l'impression étrange que tout le monde était passé à l'étape suivante, sauf elle. Elle se sentait en décalage. Est-ce que ce sentiment d'être coincée derrière un miroir sans tain, à hurler sans qu'on l'entende, se dissiperait un jour ? Ou était-elle condamnée à ressasser ses échecs à l'infini en regardant les autres avoir des vies normales ?