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Critique de Pecosa


Loin de moi l'idée d'ingérer un pavé avec appareil critique dont seul un thésard armé de beaucoup de patience pourrait venir à bout. Ce recueil de lettres illustrées de gravures, tableaux et extraits de romans est une mignardise qui se picore au gré de ses envies et pulvérise l'idée que je pouvais avoir de cette chère tante Jane, "si bonne et si tranquille". On imagine souvent Jane Austen en vieille fille délaissée regardant tomber la pluie depuis son cottage et écrivant pour tromper son ennui. Il n'en est rien. La chère tante Jane avait refusé deux honorables demandes en mariage et menait la vie agréable de l'aristocratie terrienne faite d'invitations, de séjours en bord de mer et de voyages dans la campagne anglaise. Ses lettres dépeignent avec beaucoup de spontanéité ses rencontres et ses échanges avec les membres de la bonne société. Jane a beaucoup d'esprit, et ses phrases font mouche. Malheur aux victimes. A propos de Mr Lefroy, elle écrit: "Quant à l'autre, il n'a qu'un seul défaut, que le temps, je crois, dissipera totalement - sa jaquette du matin est bien trop claire". (09/01/1796) Parfois, le trait se fait plus mordant, voire cruel: "Mrs Hall, de Sherborne, a accouché hier prématurément d'un enfant-mort né, quelques semaines avant la date, à la suite d'une frayeur qu'elle a eue. J'imagine que son regard est tombé par inadvertance sur son mari." (27/10/1798)
Les lettres, essentiellement adressées aux membres de sa famille, sont aussi empreintes d'une grande tendresse, surtout envers Cassandra, sa soeur bien aimée dans les bras de laquelle elle décédera à l'âge de 41 ans. Leurs échanges et leurs effusions nous rappellent les soeur Bennet d'Orgueil et préjugés ou les soeurs Dashwood de Raison et sentiments.
L'autre intérêt de cette correspondance est de nous révéler quelques détails sur la genèse et la réception des oeuvres de Jane Austen. A propos du personnage d'Orgueil et préjugés, elle écrit ces lignes: "Je dois avouer qu'Elizabeth est à mes yeux l'une des plus délicieuses créatures jamais apparues dans un livre, et comment je pourrai tolérer ceux qui n'auront pour elle au moins un peu de sympathie, je ne sais." (29/01/1813)
L'accueil d'Emma par le public la préoccupe: "Mais sur ce point, je me rendrai justice en déclarant que, quel que soient mes souhaits pour son succès, je suis hantée par l'idée que les lecteurs qui ont préféré O et P (Orgueil et préjugés) y trouveront moins d'esprit, et ceux qui ont préféré M. P. (Mansfield Park) y trouveront bien moins de bon sens." (11/12/1815)
Walter Scott disait d'Austen que son talent était "la touche exquise qui donne de l'intérêt aux choses et aux êtres les plus ordinaires et banals." Plus de 150 ans après sa mort, son sens aigu de l'observation et de l'analyse psychologique, l'élégance de son style, sa désinvolture, le réalisme et le féminisme qui transparaissent dans ses romans font d'elle une romancière d'une grande modernité. Grâce lui soit rendu d'avoir créer l'irrésistible Fitzwilliam Darcy ! Adaptées à la sauce californienne (Clueless) ou indienne (Coup de foudre à Bollywood) , ses oeuvres ont parcouru le monde suscitant le même enthousiasme. En attendant la sortie du cathartique Coup de foudre à Austenland, ces lettres illustrées sont une belle incursion dans l'univers austinien.
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