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Critique de le_Bison


Onze heures du soir, les néons clignotent sous une lune voilée. Des hôtels bon marché, des restaurants chinois qui ne semblent jamais fermés, des tripots de mauvais augures. En rouge flash, s'illumine devant moi le « Moon Palace », palais de mes rêveries d'antan. Brooklyn Avenue s'allonge comme l'ombre des putes sur le macadam chauffé par cet été indien, je promène mon regard perdu dans cet univers bouillonnant, guidé par « La musique du hasard » un livre en poche, un pavé aussi lourd qu'une caisse pleine de Bud même pas light. le poids des mots pèse sur ma conscience, mais le plaisir de la rencontre sera au rendez-vous. J'attends donc Archibald Ferguson à la terrasse d'un café où les serveuses baladent leur cul en rollers en balançant leurs seins dans un chemisier dont l'attachement au dernier bouton défie toutes les lois de la physique, sublime époque, la déchéance du rock et le déhanché des serveuses. Mais quel Archie vais-je rencontrer ce soir ?

Archie vient à ma rencontre. Seul. Non... Ils sont deux mais n'en font qu'un, ou deux, ou trois ou quatre. Quatre êtres, quatre destins. Mais finalement qu'est-ce que le destin ? Archie va mourir. Probablement au Viêt-Nam, ou plus drôlement écraser par un Westfalia. A moins qu'il me survive... Qui sait dans quel monde d'Archie je (sur)vis ? Rufus me sert une autre bière avec Archie. A moins que cela soit un whisky avec le second Archie. Un Cuba Libre avec le troisième Archie. Je ne sais plus… 4 3 2... il me manque un verre, je sais encore compter. 1… avec le dernier Archie c'est le cocktail de ma vie, l'intraveineuse du plaisir, bière-rhum-whisky. Merci Rufus, tu es un ange. Ou un saint. Je suis sûr, en revanche, d'une chose. Quel que soit l'Archie auquel je fais face, il est toujours amoureux de la même femme, celle qui a une longue paire de jambes couleur caramel, et une crinière brune lapsang souchong, un parfum épicé qui pique mes sens. C'est une évidence, l'amour est au-dessus du destin, quoiqu'elle en pense. le silence, il s'impose dans la vie d'Archibald, et la mienne. Devant la tristesse du verre vide, ou la solitude du verre esseulé sur le comptoir, je poursuis ma vie. La radio diffuse un match de baseball, les Yankees de New-York. Je sors de la taverne de Rufus sans plus savoir qui je suis, ni dans quelle vie j'erre. Je ne suis sûr que d'une chose : quand je lève la tête, je vois les néons rouges du Moon Palace clignoter, je regarde la lune, blue moon, et personne ne pourra m'empêcher de penser à elle. La seule évidence de ma vie, le roman d'une vie.
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