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Critique de Cricri124


Un récit initiatique à la construction déroutante. Ce n'est pas le genre de livre avec lequel on se laisse bercer par l'histoire. C'est plutôt elle, qui nous malmène. Pas que ce soit gore ou larmoyant, c'est juste… particulier.

Le déclencheur est le décès du père du narrateur/auteur, qui va l'amener peu à peu à extirper son moi profond sous le palimpseste de la mémoire, un travail de destruction incessant, bride par bride, couche par couche, dans le but de parvenir à s'effacer pour se trouver enfin.

Je ne suis pas certaine cependant qu'aborder cet auteur pour la première fois avec ce livre (mon cas) soit la meilleure approche. Même si Pascal Bruckner dans la postface affirme qu'il s'agit de « l'ouvrage fondateur de Paul Auster. Qui veut le comprendre doit partir de là et tous ses autres livres ramènent à celui-ci. » Je reste sceptique. D'une part, détenir les clés pour décoder un auteur ne m'intéresse pas outre mesure et d'autre part, je suis malgré tout loin d'être certaine d'avoir tout saisi !
Il y a en effet de multiple de clés d'entrée : le deuil, les interconnections de la mémoire à travers les hommes, les lieux, les objets, l'art (c'est ce que j'ai préféré), la nature du hasard, ces coïncidences qui riment, donnent du sens là où il n'y en a pas, sur l'inutilité de voyager pour faire venir le monde à soi, sur la paternité, et tant, tant d'autres. A chacun de trouver les siennes, je suppose.

Mais la construction (ou déconstruction) est déroutante, m'a déroutée en tout cas. le livre se divise en deux parties. La première partie (Portrait d'un homme invisible) est assez « classique ». L'auteur/narrateur nous fait entrer dans son intimité. Il explore ce père qui, déjà de son vivant, brillait par son absence, un père inaccessible, à l'instar d'un « bloc d'espace impénétrable ayant forme humaine ». Une énième tentative pour tenter de le comprendre et le faire exister, le faire naître peut-être, en se basant sur les faits dont il dispose. Même si « les faits ne disent pas toujours la vérité. » Bien que ce soit écrit avec distance, de manière analytique, sans affect pour ainsi dire, comme un témoin des événements, j'ai malgré tout parfois eu la sensation de m'immiscer dans des pensées qui ne me regardaient pas.

Dans la deuxième partie en revanche (Le Livre de la mémoire), Paul Auster nous fait entrer dans son esprit, son cheminement de pensée. En ce qui me concerne, cela a été bien plus chaotique. Je ne voyais pas où il voulait en venir avec son obsession pour la chambre. Franchement, pendant au moins une bonne cinquantaine de pages, si ce n'est plus, à peu près jusqu'au livre 5 (la deuxième partie se subdivise en 13 livres de la mémoire), je me suis demandé ce que c'était que truc. L'auteur parle de lui à la troisième personne en se désignant, lui comme les autres, par une initiale. Un souvenir le conduit sans transition à un autre. C'est décousu, presque écrit de façon mnémotechnique. (Bon d'accord, nettement plus élaboré que mes propres notes.) Ce n'est qu'une fois que ses réflexions commencent à émerger plus distinctement, à mesure qu'il s'efface, qu'il s'enfonce sous les strates de la mémoire, que cela devient intéressant.

Selon moi, ce livre se lit comme une errance, une errance intérieure à travers la mémoire, celle de l'auteur et celle des autres, une errance qui inspire et expire le monde. S'il bouscule par sa forme, il a aussi la particularité de continuer à infuser lentement une fois refermé et se gorger d'arômes inattendus.
« La mémoire non tant que le passé contenu en nous mais comme preuve de notre vie dans le présent. »
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