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Critique de MarcCharmois


J'ai lu ce livre deux fois.
Dans ma jeunesse, j'ai adoré l'histoire de cet étudiant, livré à lui même, ne sachant que faire de sa vie, à la fois pris dans ses rêves de réussite littéraire et perdant complètement pied avec la réalité.
Comment faire pour survivre à New York alors qu'on est étudiant, qu'on n'a plus de famille, pas d'argent et qu'on veut devenir écrivain ?
le narrateur de cette auto-fiction va s'enfoncer dans ses délires de velléités littéraires, perdre pied avec la réalité et déchoir socialement jusqu'à toucher le fond.
Comment va-t-il s'en sortir ? Va-t-il s'en sortir ? Je ne dévoilerai pas l'issue du livre. Je dirai juste que l'aventure du personnage va être passionnante, pleine de rebondissements. A l'époque je me suis totalement identifié au personnage du livre et la lecture du livre a eu des effets positifs, comme une grande bouffée d'air pur, libératrice, un message d'espoir.

J'ai relu le livre il y a quelques mois avec l'espoir de retrouver la même excitation qu'à l'époque, les mêmes émotions.
Damned, les années ayant passé, je pose un regard un peu plus critique et analytique sur le livre. On sent que c'est une oeuvre de jeunesse pour Paul Auster. L'intrigue est parfois rocambolesque et invraisemblable, les personnages caricaturaux.

Si vous n'avez pas lu le livre, arrêtez vous de lire maintenant parce que je vais livrer mon ressenti et que je ne voudrais pas influencer votre lecture.

Le personnage d'auto-fiction me paraît beaucoup moins sympathique qu'à l'époque de ma première lecture. Il y a alternance chez lui entre phases d'un égoïsme, et d'un nombrilisme exacerbés suivies de moments d'expression de sentiments pathétiques avec force larmes et sanglots.
On pourrait s'attendre de la part de l'auteur à la description d'une rédemption au fil de l'oeuvre, à l'évolution du personnage vers plus d'ouverture aux autres, une harmonisation de ses émotions et de ses sentiments, plus d'humanité. Non, le personnage en fait ne fait que se blinder, s'endurcir. Il y a résilience, certes, mais une résilience qui enferme, qui isole.

C'est d'autant plus regrettable, que quoi ? On nous décrit un parcours initiatique là, c'est l'objet du livre, l'histoire d'un être perdu qui choit puis rebondit, celle d'un adulte qui naît, qui sort de la chrysalide de son enfance, son adolescence. Cependant, le message délivré est l'endurcissement et la prise de distance avec "l'autre".
C'est inquiétant pour moi car il y a comme l'exposition d'un modèle social à suivre pour subsister dans les sociétés nord-américaines et comme allant de soi.

La pauvreté des relations humaines décrites dans le livre, semble aller de soi pour le public américain mais personnellement, cette distanciation psychique, affective entre les personnages, posée en norme, m'a inquiété et peiné à la fois. On retrouve ça chez Philip Roth.
Cette équation de la liberté totale au prix de la solitude.

On retrouve aussi beaucoup de thématiques chères à certains écrivains de culture juive. L'écriture y est souvent mythologique en prise directe avec le "Livre".
D'abord le rapport au père, ou aux pères, les pères de substitution s'imposant quand le véritable père vient à manquer.
La mise à l'épreuve de la foi liée au dénuement, à la perte progressive des biens, des ressources, des assises sociales, des proches et finalement de la santé qu'on retrouve dans le livre de Job.
Il y a aussi en oeuvre, le mythe du juif errant, perdu, livré à lui-même, pérégrinant dans la souffrance sans trouver le repos, sa place, mais fort de son expérience, de sa richesse de vie.
Ceci me fait penser d'ailleurs à Paulo Coelho et son concept de légende personnelle. Concept sulfureux avec lequel j'ai beaucoup de mal à adhérer, tellement égoïste et puéril à la fois. C'est d'ailleurs un des grands reproches adressé par ses détracteurs au développement personnel, d'être justement, trop personnel...

Ce sont ces mêmes incitations individualistes et égoïstes exposées dans le livre qui font que j'en apprécie moins la relecture.

ça me donne envie de relire "demande à la poussière" de John Fante qui aborde exactement le même thème, raconte un peu la même histoire mais en transmettant un message et une vision de la société et du rapport à autrui complètement différente.
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