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Critique de petch


Il y a deux possibilités lorsqu'on commence un livre d'Auster. La première est d'être entrainé dans une mise en abîme plus ou moins complexe du type « c'est l'histoire d'un homme qui regarde quelqu'un qui écrit un livre sur une fille qui observe quelqu'un qui n'est autre que lui-même », avec toujours un brin de fantastique pour couronner le tout. La seconde est de partir dans une histoire du type « film français » avec une introspection par le menu de quelques personnages perdus dans leur souffrance et leur solitude. Personnellement, Auster me fascine dans le premier cas (trilogie new-yorkaise, Mr Vertigo, La musique du hasard,…) et me laisse plus indifférent dans le second (l'invention de la solitude,…).
Sunset Park commence comme un livre de la seconde catégorie pour progressivement glisser vers la première. Paul Auster réussit une fois encore à surprendre le lecteur par l'exercice de style. Les errances de Miles, héros trentenaire désabusé et fantomatique, de sa famille et de ses proches amis sont décrits à travers un chant polyphonique où toutes les voix des personnages se font entendre à mesure de l'avancée du récit. Chaque habitant du squat de Sunset Park, peut-être finalement le principal personnage du roman, mène une vie d'artiste et de bohème, tout en essayant de survivre sans se compromettre : Miles en photographe, Bing par la musique, Ellen et la peinture, Alice et sa thèse en cinéma. En passant du point de vue de l'un à celui de l'autre, on s'attache au personnage principal, et on comprend pourquoi il a pris ces distances avec sa famille, sa ville New-York et ses proches. Les relations abouties entre le père et son fils, à travers déguisements et fausses identités entrevues, font basculer le livre dans les faux-semblants.
« Deux est le seul nombre qui compte » : cette phrase résume le propos du livre où chaque personnage contient une part de vérité que les autres ignorent. On pense à l'univers d'Alain Resnais. On est conquis par l'intelligence de l'écriture, par la profondeur du texte, par sa réflexion sur le monde des arts. Ecriture, cinéma, peinture, photographie, musique, l'auteur saisit chaque opportunité pour nous délivrer son point de vue, sans pédanterie ni emphase.
L'écriture prolifique de Paul Auster finit parfois par lasser certains lecteurs (et critiques), passant ainsi à côté de ce livre, à leurs yeux mineurs dans l'oeuvre de l'écrivain. Ce serait sans doute dommage, car toute la finesse et la subtilité de l'écrivain est là, en filigrane. On referme ce roman, finalement plus pessimiste et crépusculaire qu'en apparence, en gardant une profonde affection pour les personnages, leur mélancolie, leur touchante humanité.
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