Mon imagination fertile comme un champ de la Beauce me permettait de m'arracher loin de ma misère.
Je garde les yeux fermés et assiste à l'embrasement de la mer, à cette agitation perpétuelle, à ces scintillements qui ne sauraient mourir.
La vie à deux change les formes, invente les couleurs.
Le malheur, lui au moins, est sans surprise. Fidèle dans les creux de la vie, il ne m'a jamais déçu. Parfois, je me dis qu'il vaudrait mieux oublier, que réaliser ses fantasmes, c'est les tuer.
Celle que j'aime s'est mise à me regarder avec dédain. C'est elle qui m'a fait le plus saigner. J'ai pris la forme ronde d'un zéro et tout doucement me suis effacé.
Pourquoi parquer les plus démunis loin des villes et de leurs lumières qui brillent comme des lucioles? Pourquoi les éloigner comme des lépreux ? La pauvreté est-elle une maladie contagieuse ?
J'ai appris que la pauvreté est un art qui se cultive.
La facilité était d'accuser les patrons, le chômage, aujourd'hui, je peux regarder la vérité en face. Ce qui m'a fait chuter, c'est la frousse d'être père et de ne pouvoir assumer.
J’ai quitté le port et me suis éloigné comme un petit rafiot sur une mer qui en veut à la terre.
Je ferme les yeux, une façon d'échapper à la réalité(...)
J'arpente les couloirs sans hallucinogène, passe de l'ombre à la lumière. Sans mes rêves, je me défoncerais.