Contes d'Odessa

Il s'agit d'un recueil qui rassemble la plupart des récits écrits par Isaac Babel entre 1924 et 1937. Ils ont donc été écrits probablement après les récits de « Cavalerie rouge », même s'il nous parle de l'Odessa d'avant 1917. Ces récits sont tous des nouvelles plutôt que des contes, ayant toutes pour thèmes des événements vécus, des personnages réels. L'auteur nous décrit un monde disparu, celui de la Moldavanka, quartier mal-famé du grand port d'Odessa, celui des bas-fonds juifs (à cette époque un tiers de la population d'Odessa était juive). le monde qu'il nous décrit est celui d'avant 1917, un monde truculent, avec ses gangsters, sa pègre… et un brigand au grand coeur, Bénia Krik, beau, fort, aux antipodes de l'image du juif chétif, humilié, persécuté. C'est un monde de misère, de crainte des pogroms (ceux de 1905 sont dans tous les souvenirs), Isaac Babel avait placé beaucoup d'espoir dans la révolution pour en finir avec l'antisémitisme. Les personnages de ces nouvelles sont hauts en couleur, pittoresques, les mots sont crus et l'humour toujours présent. C'est truculent, baroque, fellinien et en même temps réaliste : on imagine sans peine les bruits et les odeurs de cette Marseille de la mer Noire. Les seules récits qui ressemblent un tant soit peu à des contes sont ceux qui ont pour personnage central Bénia Krik, le parrain de la pègre locale, si attachant, véritable mythe vivant à l'époque. C'est le monde de la toute petite enfance de l'auteur, celui d'où venaient ses parents, et même s'il a vécu très peu de temps dans la Moldavanka, il sait nous communiquer à quel point cette communauté était vivante et solidaire, et certains récits sont certainement plus autobiographiques, comme « Histoire de mon pigeonnier » qui nous parle du pogrom de 1905 vu par ses yeux d'enfant. Ces contes, publiés au départ dans diverses revues, sont heureusement depuis longtemps rassemblés et ils font un ensemble réussi.