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Trublionne de la société normative, Babouillec a répondu "non" à un karma conformiste. Dite autiste, très empêchée selon les toises en vigueur, elle est née les pieds dans les marges, d'où elle nous nargue d'un sourire malicieux et séditieux.

Elle a raté sa maternelle, ou aussi bien la maternelle l'a ratée; l'école, ce projet à grande échelle qui loupe fatalement ses extrêmes, les trop ou pas assez. Tous ces recalés, peu Science -Pôsables, fils et filles illégitimes du chausse-pied éducatif, devront tracer leur piste de jungle, comme ils pourront.

‌J' admire au passage la ténacité d'une mère qui jamais ne lâchât le morceau et grâce à qui un univers parallèle et stupéfiant nous est révélé .

On conclut naturellement d'une absence de langage à une absence de pensée. Pas de réponse ? c'est plié, t'es teubé. La honte nous cramoisit en pensant à nos jugements expéditifs face à des personnes qui ne collent pas à nos grilles prêt-à-penser au petit-pied.


Quelles pensées fulgurantes fusent du cerveau de Babouillec ! A notre tour de rester coi face à ses percutantes réflexions sur la vie, la société et l'univers, qui pourraient être délivrées par un grand maître bouddhiste. L'humour qui les perfuse est là pour prouver s'il le fallait que l'esprit le plus lucide abreuve la galaxie de ce cerveau qui a suivi sa propre trajectoire. L'exo-planète Babouillec nous vient d'un très-ailleurs et on se sent terriblement ringard dans nos combinaisons étroites de pensée, à la cosmos 99, des fats se rengorgeant de bien peu de choses.


Nous vient ensuite une taraudante question : en transposant sur un autre plan, qu'en est-il de tous les autres grands silencieux , les autres êtres vivants , n'ont-ils pas finalement des pensées bien plus élaborées que celles que nous leur prêtons ?

Babouillec qui a accepté de se livrer à travers notre prosaïque alphabet nous oblige à élargir notre empan de conscience et franchir d'autres frontières. Les "ténors du silence", magnifique expression.
Babouillec nous vient d'un monde crypté où ce qui se tait est prolixe sous d'autres canaux, longueurs d'ondes trop sportives pour nos modes routiniers.

Follement déstabilisant, l'alphabet de Babouillec brouille nos évidences et desserre les casques. Merci à elle, transfuge du cosmos et ambassadrice de tous les silences.
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Les larmes coulent sur mes joues alors que je referme ce livre tant je suis éblouie par la beauté du texte. Et voilà que je me sens investie d'une mission, celle de vous présenter Hélène Nicolas alias Babouillec. A l'occasion de la semaine du cerveau, je suis allée voir le film « dernières nouvelles du cosmos ». C'est là que j'ai fait la connaissance de cette jeune femme, autiste dite « très déficitaire ». le film relate le chemin parcouru par sa mère, son amour et sa détermination pour trouver un moyen, une connexion, un passage pour communiquer avec sa fille. Et elle y est parvenue ! Hélène, sans jamais avoir appris, sait lire et écrire mais, trop handicapée pour tenir un stylo, ne peut rédiger. Sa mère a alors l'idée d'inscrire les lettres de l'alphabet sur de petits carrés de papier qu'Hélène n'a plus qu'à associer pour créer les mots puis les phrases. Je n'en dirai pas plus sur le film mais je vous invite à le découvrir.
« Seule enfermée dans l'alcôve systémique, nourricière souterraine de la lassitude du silence, j'ai cassé les limites muettes et mon cerveau a décodé votre parole symbolique, l'écriture. » Forte de cette nouvelle possibilité, Hélène commence à écrire des textes et révèle peu à peu sa pensée et le plaisir de la communiquer : « L'écriture a rempli mon espace et j'adore la sensation de me sentir en vie dans cette extase identitaire de partager mes mots. ». « Algorithme éponyme », son livre, est la compilation de ces textes. Elle nous offre là une porte ouverte sur son monde, principalement intérieur mais aussi son regard sur le nôtre. Son oeil amusé nous observe et nous renvoie une image d'êtres stéréotypés enfermés dans nos propres limites. Elle analyse son état d'autiste, dont elle est parfaitement consciente et commente le regard que les autres portent sur elle. Son écriture est d'une magnifique poésie (j'y trouve entre autres l'influence de Baudelaire) et d'une profondeur sans fond. Sa puissance est telle qu'elle m'a complètement retournée.
Hélène si je m'adressais à vous je vous rappellerais cette dame qui à la fin du film vous déclare « Tu me fais rêver », et je vous dirais que je me joins à elle mais qu'en plus je vous dis Merci. Pour avoir réveillé mon être intérieur, projeté un éclairage sur les questions essentielles sur lesquelles j'avais tendance à m'endormir, m'avoir secoué à m'en faire trembler des pieds à la tête, pour avoir déversé en moi ces cascades de lumière et de couleurs. Pour cette flamboyante épopée dans l'intra-muros de votre « boîte crânienne », merci !
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La poétesse est une autiste qui n'a jamais parlé ni appris à lire. Mais un jour, elle a montré qu'elle savait écrire. À l'aide de lettres cartonnées qu'elle aligne sur des feuilles blanches, elle compose des textes qui interrogent sur les limites. Dans la préface, le metteur en scène Pierre Meunier salue un talent original et quasi miraculeux. « Sauvés de la confusion par son effort de nous les transmettre, ils surgissent, animés de la force vitale propre aux rescapés. » (p. 7)

« Poète sans papiers, sans origines littéraires, sans règles sociales. » (p. 12) C'est ainsi que Babouillec se présente. Elle joue avec la langue, voire la langue étrangère, avec la mise en page, avec la casse. Avec les mots tout simplement. Elle parle de l'enfermement en soi-même, de la bataille pour se libérer, de la nécessité évidente de ne pas correspondre aux normes sociales, de l'identité. « Je tue mes démons silencieux dans les tentatives singulières des sorties éphémères de ma boîte crânienne. » (p. 11) Avec un lexique immense, Babouillec porte un regard précis sur la société et la course du monde. Elle exprime aussi un humour très fin et impertinent, une moquerie douce et éclairée, mais qui tend parfois à la raillerie quand l'agacement prend le dessus. Elle noue à ses paroles des références littéraires, filmiques ou musicales : elle les distille l'air de rien, ce qui est la preuve d'un esprit ouvert au monde, curieux et avide, et qui intègre tout ce qu'elle touche pour le faire sien.

J'aime les textes des êtres qui battent le validisme en brèche. Ils dégagent une vérité brute et immédiate, ils délivrent un sens évident. Cette lecture me permet de vous conseiller le lumineux témoignage de Thomas Mandil, La joie de vivre ma vie. Mais bon, soyons honnêtes, résumer ou analyser de la poésie, c'est franchement impossible et tout à fait couillon. On ne condense pas l'émotion pure, on la ressent.
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Nous sommes à l'étroit. A l'étroit de notre langue, de nos corps, si forcément à l'étroit que nous en vivons parfois à l'envers de nos pensées. Rapprochement de l'autre. Identité de soi. Extérieur nuit. Intérieur libre. Nous sommes à l'étroit, étroitement recroquevillés dans nos incapacités. A l'étroit de nous mêmes. Nous sommes muets.
Possibilité, créativité..infinité. Kiêthon . Khiêthon vraiment. Nous n'osons imaginer tout ce qui nous dépasse. Tout ce que nous ne percevons pas. Incapable de silence, coupables de bruit. Nous sommes in-sensés, les yeux ouverts et le regard baissé.
Babouillec s'est une étoile filante, une écriture vive, poétique.Une oiseau de liberté.
Une voix d'une profondeur incroyable. Des mots qui par magie sont arrivés en une année lumière jusqu'à nous. C'est un cri poussé vers le ciel, un espoir, un champs immense de paroles. J'avais commencé à souligner les passages que je préférais, que j'estimais devoir noter.
Mais tout vole en éclat lorsque vous vous apercevez que vous avez presque souligné le livre entier.
« Je suis équipée d'un autre sens de cet enchantement d'être en vie ».
« J'appartiens à une espèce en voie d'apparition, dépourvue du sens social sécuritaire, bannissant les codes interrompant les accès aux mystères de la vie. ! Une espèce fantaisiste où règne un désordre tonitruant.
Équipée de codes indéfinissables brouillant les radars des formats en tout genre, j'appartiens à cette espèce étrange qui ne rentre nulle part, qui ouvre la passerelle des impossibles en torturant les repères sociaux.
J'observe sans relâche les codes d'appartenance et je défis les pièges à la pensée.
Mon monde est tel que je l'ai construit, sourd à la ritournelle anesthésiant les cerveaux débranchés, sourd aux compteurs affables, sourd aux paroles plombées tombées du ciel par temps orageux, sourd à la violence et à la haine. ».
Il y a des moments comme cela. Des moments d'intense lecture. C'est presque un vertige. le vertige que seul la beauté sait vous donner. Un océan qui vous entre dedans. Et l'on se sent fort, et l'on se sent riche. On se sentait à l'étroit, et puis il vous prend l'envie de retrouver, de partager, de semer, de voler. Avec des mots, des lettres d'images, des paquets lumière de lettres. L'immensité d'une lettre-voyage. Oui, c'est une espèce en voie d'apparition. Ça valait la peine de faire tout ce voyage pour connaître ça. Bing bang – métafusion ! Babouillec fait nous rêver encore et en corps, donne nous les clés !
Astrid Shriqui Garain

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Un livre qu'il ne faut surtout pas lire "avec raison". C'est comme les "dialogues avec l'ange" de G. Mallasz. Cela parle à un autre niveau de conscience.
Comme elle dit dans "Rouge de soi", "la plupart des humains ne croient que ce qu'ils voient, alors là forcément c'est raté". Pauvres humains...

C'est tellement dense, tellement "vrai", tellement alien, tellement autre, tellement...
Je me sens comme une larve emprisonnée dans un cocon là où Babouillec est un papillon resplendissant.
Regarder "dernières nouvelles du cosmos", lire les livres de Babouillec : et paf, un retournement de point de vue total sur qui est handicapé et qui ne l'est pas.
Un renversement de situation.
Une ouverture de l'esprit et du coeur.
Inouï.
On peut plus avoir de mots après une telle lecture, tellement on se sent "limace" là où elle vole avec grâce et légèreté, tout en étant d'une densité presque insupportable. Donc je me tais.
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Algorithme éponyme, et autres textes, Babouillec
Ecrit par Cathy Garcia dans La Cause Littéraire
Je viens enfin de terminer un livre de Babouillec. En fait, je ne savais pas exactement ce que j'allais lire mais je savais que ce serait une claque et puis au final c'est une formidable résonance. Je retrouve tellement de mes propres ressentis, de mes questionnements, mes révoltes même, dans ses mots, que je me dis que moi aussi je dois être autiste, camouflée derrière une apparente normalité et que nous sommes même peut-être tous des autistes plus ou moins intégrés dans la normalité, et alors la question s'impose : qu'est-ce que ça veut dire « être normal » ? La question que nous posent, parfois comme un flingue sur la tempe, tous les dits « anormaux », tous les « différents », peut-être pour nous montrer à quel point nous sommes éloignés, coupés de nous-mêmes, de notre être véritable, unique et extraordinaire dans son anormalité.

Qu'est-ce que ça veut dire « être normal » ?

C'est la question qui vient nous remettre en question justement, qui vient nous réveiller. Une question qui dérange notre sommeil, une sorte de sommeil collectif hypnotique.

Dans la folie de l'obéissance d'être en vie, j'accuse l'infinie gourmandise jubilatoire de mon cerveau, de m'inonder du désir impalpable de jouer avec les lettres et raconter l'invisible qui vit en moi.

(…)

L'enjeu systématique de l'appartenance sociale inhibe ta résonance au monde, à toi-même, à elle-même. (…) Fantômes itinérants et sans bagages, les corps s'alignent sur le modèle disponible.

Je suis arrivée dans ce jeu de quilles comme un boulet de canon, tête la première, pas de corps aligné, des neurones survoltés, une euphorie sensorielle sans limites. Les oreilles stand-by à la jacasserie humaine, les mains et les pieds sens dessus dessous, les yeux dans les yeux de moi-même. Modèle dispersé, gratuitement mis au monde par besoin de casser la mécanique culturelle.

(…)

Le regard des autres : à qui devons-nous appartenir ressembler (…) Quality Street boulevard de notre déambulation linéaire alignés docilement par peur du vide. Ronde infernale high Tech ces rencontres compulsives moulinées dans nos boites à dialogue sous haute surveillance.

(…)

On décore mal le paysage, jamais à la bonne place, dans la bonne attitude, bonne posture, bonne gueule de l'emploi. (…) Sortons les handicapés dans la rue et faisons une grande fresque vivante.

Nous ne sommes pas des anges, la preuve, nous n'avons pas deux ailes pour fuir ce monde hostile.

(…)

Il faut se souvenir que nous ignorons l'origine du bing bang cellulaire.

Apocalyptique pari illicite, cet éclatement des éléments pour fabriquer la mécanique humaine obsolète sous Prozac.

Cathy Garcia


Lien : http://www.lacauselitteraire..
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Après avoir vu au cinéma, à sa sortie, le très émouvant documentaire sur Hélène Nicolas auto-surnommée "Babouillec", j'ai eu envie d'essayer de connaitre un peu mieux les pensées de cette extraordinaire (dans tous les sens du terme) jeune femme et de découvrir un de ses recueils de textes.
Bien m'en a pris ! C'est tout à la fois beau, questionnant, dérangeant, surprenant, drôle... un univers bien à part dont on ressort forcément un peu chamboulé et avec un regard différent sur le monde qui nous entoure.
J'aimerais beaucoup avoir l'occasion d'assister à une représentation des pièces de théâtre crées à partir de ses ouvrages.
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« Je suis une enfant du ravin de ce monde ployé sous les sentiers en déséquilibre entre le vide et le plein. » Ainsi parle Hélène Nicolas dite Babouillec fragilisée par un autisme très déficitaire.
On pourrait parler de rencontres. Entre une mère et sa fille. Entre l'auteure et le lecteur. Entre notre monde et celui de l'autisme.
A travers ce livre on pénètre dans une dimension poétique très particulière qui ouvre des portes sur des dimensions dissemblables.
Le moyen de communiquer par lettres de carton donne à Babouillec l'occasion d'exprimer tout un monde : le sien et par la même nous offre la possibilité d'atteindre une partie de celui-ci.
« Et d'abord, c'est quoi le Silence ?
Le Silence
Le Silence ouvre les portes de l'absolu
Le Silence temps mort entre nos doutes
Temps mort dans le doute
Le Silence
Temps vivant dans l'instant
Le silence
Doute absolu vivant dans le temps mort d'un instant de silence. »

Formidable témoignage, pépite pleine d'énergie bouleversante, Algorithme éponyme raconte les mots d'une jeune femme murée dans le silence de l'autisme. Chaque texte posé, chaque phrase met en lumière une dimension poétique qui surprend, interroge, ébranle, touche.
« ET, quel plongeon…
Je me vois chaque fois les deux pieds calés sur ma rambarde de sécurité et le corps flottant près de me lâcher. Mon imaginaire totalement pris au dépourvu grimpe dans les tours et apparaît la belle image du plongeon de mon gratte-ciel, tête la première. »

D'une écriture forte, l'intention de dire avec une rare acuité est puissante. « Perdue au fond de mon corps j'observe sans relâche le monde »
Intense et fragile, sensible et lucide ce petit livre est un concentré d'émotions poétiques qui ne demande qu'à émerger. « Je suis une enfant du ravin de ce monde ployé sous les sentiers en déséquilibre entre le vide et le plein. »

Intensément vivant.
Ne vous privez pas de le découvrir.


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Une poésie déconcertante, semblable à une sorte d'art brut littéraire.
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tout simplement époustouflant. Merci de nous faire découvrir votre monde Hélène!
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