Si nous voulons conserver ce qui compte le plus pour nous - les liens, la présence physique aux autres, pouvoir vivre au-dehors, faire l'expérience de la nature - il n'y a pas d'autres voies que celles de redevenir collectivement responsables et d'imposer ce qui doit l'être, à commencer par l'arrêt de ces modes de vie destructeurs, et par l'interdiction principielle de toute accumulation privative. Il n'y a pas d'alternative, sinon que de se recentrer sur toutes ces choses élémentaires que l'on nous a fait progressivement puis intégralement déléguer au marché depuis deux siècles (l'alimentation le soin, le transport, la prise de décision politique ou la protection de la nature).
Porter la cause de l'autre, ce n'est pas s'en tenir au geste moral d'empathie pour plus faible que soi, qui a pour défaut de reconduire la hiérarchie des places entre sauveurs et victimes : l'autre dont on porte la cause n'est pas une victime à soutenir mais un-e allié-e potentiel-le. C'est en portant la cause d'un-e autre, vu-e comme élément d'une alliance qu'il s'agit de construire, que l'on peut faire apparaître les causes communes d'une communauté politique. C'est faire "un pari sur un nous".
Le capitalisme ne pourra jamais devenir autonome vis-à-vis du tissu de la vie. Il a beau être hors-sol, il ne s'est jamais élevé d'un pouce au-dessus de la dépendance à cette planète.
Ce que l'on appelle le géologique, l'écologique, le social ou le politique ne sont pas des domaines étanches mais des milieux poreux : des champs de relations, enchevêtrés, s'entremêlant dans une multiplicité de boucles, se mélangeant au-delà de toute possibilité de tracer une ligne de démarcation claire et pure.
Faire avec la nature plutôt que contre.
Ce qui fait la spécificité d'une alliance, en son sens politique premier, ce n'est donc pas d'être une communauté d'interdépendances, ni d'être un groupe d'intérêts : c'est d'être une action collective susceptible de reconfigurer une situation politique.
Les plantes résistantes et les communautés paysannes résistantes constituent toutes deux des obstacles au développement d'une économie du plant Roundup ready. Raison pour laquelle les amarantes Palmer ont été associées à la lutte politique des paysan-nes activistes en Argentine, notamment pour leur capacité à faire décroître radicalement les rendements de soja OGM et donc à déstabiliser voire faire fuir les multinationales de l'agrobusiness.
Ces biotechnologies font aujourd'hui elles-mêmes face à une explosion incontrôlée de "mauvaises herbes", devenues multirésistantes à un grand nombre des herbicides connus et testés, dont le glyphosate. Les ingénieurs agronomes les appellent les superweeds, les super-mauvaises herbes. Ce qui devait arriver, arriva : la monoculture et l'usage massif d'un herbicide à répétition exercent une telle pression de sélection sur la flore des champs que les quelques plantes qui parviennent à y résister gagnent un avantage incomparable sur toutes les autres plantes vulnérables et éradiquées.
Les mondes "compossibles" - ceux qui peuvent coexister simultanément sans s 'exclure mutuellement - sont reliés politiquement par la défense de régimes de relations, différents mais alliés, qui rendent possible et prennent soin de l'habitabilité de la terre ( pour les classes sociales dominées autant que pour les différentes guildes écologiques).
La combinaison de l'urgence climatique, du biocide en cours et de la montée en puissance des inégalités, associé à la destruction de la paysannerie et à un accès à la terre compliqué à l'extrême pas une administration noyautée par une FNSEA toute puissante : tout cela rend incontournable la création d’un mouvement d'autonomie écologique populaire.