Je fixe les restes de la nuit dans mon bol de café
Je suinte l’amour par tous les pores
Je rédige à l’emporte-pièce
Des phrases qui cognent
Contre le jour
Qui me refuse sa bouche.
Il y a les poèmes qu’on dérobe à l’aube pour tenir toute la journée. Ceux qu’on ramasse au fond des ruelles où s’envasaient nos cauchemars. Ceux qu’on dépoitraille pour leur aérer le cœur. Ceux qu’on tanne comme de vieilles peaux luisantes. Ceux qui s’érodent quand on les arrose. Ceux qui se froissent quand on les touche. Ceux qui se ressemblent et ne s’assemblent pas. Ceux qui font semblant de venir nous sauver, quand rien ne le peut.
Et nous le savons.
Et nous écrivons quand même.
Vois ce que je dépose
Entre ces lignes qui saignent
Leur encre malhabile
Moins chaude que mon sang
Moins vive que mes songes
Et tout ce que je dépose de rouge
Comme un dernier baiser
Qui s’effiloche entre les lignes…
Extrait 5
Ce matin que j’écris
Pour effacer mes propres traces.
Extrait 3
Ta bibliothèque doucement reversée dans la mienne
S’agrandit chaque jour un peu plus
Et peut-être que je ne saurai jamais d’autres manières
D’être fidèle.
Extrait 1
Et c’est ainsi que j’ai voulu mettre mes pas
Dans tes mots mes lettres sur tes pages
Un peu de miracle dans le jour…
Je me lève dans la lumière qui tangue
M’étire comme un chat fatigué
Par les prémices de la chasse
Quand il sait qu’il rentrera bredouille
Et rêve d’un feu de bois
De braises et de cendres
De cendres et d’étincelles
De mille flammèches
Pour y réchauffer ses neuf vies…
J’y vais aussi
Le cartable plein de livres
Pour s’ancrer dans la terre
Qui surnage dans la brume
Pleine de fils de fer et d’argent tordus
Qui s’enfoncent à vif dans la chair de l’âme
Il faut des livres pour contrer la mort
Des mots pour se désempaler
Se rassembler
Se ressembler
Recommencer
Tableau n°5 / Absence
(« J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. / Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant… » — Desnos)
Elle empoigne son ombre, elle s’égare se déchire se contemple
qu’il fait froid dans la nuit bleue
ce serait son visage d’avant, là-bas qui regarde
l’envers du temps, l’écart entre ce que le cœur désirait
et ce qu’il a obtenu
il n’y a plus de promesse qui tienne plus de caresses
rien que souvenances – remembrances.
Tableau n°4 / Simourgh
(« que nos lèvres sont les plages et que nous sommes la mer. » — Attar)
Elle ouvre son sac, trouve un bol, il faudrait boire, elle ne boit pas
se débarrasse de l’écuelle
superflue se dit-elle, marmonne, fouille, jette
des choses autour d’elle, se lèche les paumes, longuement
retrouver le sel de sa propre peau
longtemps boire de l’eau devenir sa propre fontaine
trente oiseaux qui se regardent dans le miroir.