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EAN : 9782374750194
68 pages
Editions Rhubarbe (23/08/2017)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Il y a des hivers de l’âme et des brumes sans répit, des ombres qui passent entre le temps qui nous reste et la joie qui nous échappe.

Il y a des hivers de l’âme où tout croule dans le grand froid qui s’empare de nos rêves.

Il y a des hivers de l’âme et des petits matins sans fond qu’on traverse à coups de rames et les mots se muent en avirons de fortune, en barcasses pour Prométhée – le feu qu’on vole, le foie qu’on nous dévore, les gr... >Voir plus
Que lire après 13 poèmes composés le matinVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Adeline Baldacchino aime les chiffres, « parfois », est-il précisé en quatrième de couverture, en tout cas ceux à portée symbolique, poétique, nourricière, comme le montrait déjà le précédent recueil publié en 2015 aux éditions Rhubarbe : 33 poèmes composés dans le noir (pour jouer avec la lumière). Ces deux titres en écho disent à eux seuls ce qu'est la poésie pour Adeline Baldacchino : une aide à vivre, une expérience de tout l'être, une respiration de l'âme et du corps contre la souffrance destructrice, contre la mort (ici celles de son père et de sa grand-mère tendrement aimés). Comment renaître à ce qui nous tue ? La poésie/la vie ne font qu'un, prises dans un même souffle, une même chair. L'expérience vécue, celle d'un « effroyable été », bouleverse le lecteur, et par le poids de la douleur contenue dans chaque mot et par la force qu'il faut pour la surmonter.
Les chiffres, les nombres sont nécessaires pour baliser le parcours, retrouver les âges, se rassurer, contenir l'émotion, lui donner un sens, pour scander la parole aussi, la maintenir à hauteur de vie possible. On notera ainsi que chaque poème court sur trois pages, disposé en plusieurs strophes de 6 à 15 vers, si on excepte les vers de chute, isolés du reste, qui sonnent comme autant de fins provisoires, de couperets pour le matin suivant. Chaque vers est pourvu d'une majuscule tel un amer sur les eaux noires du Styx.
Parmi ces strophes dominent les neuvains, véritables unités de souffles, impulsions vitales pour pousser la parole « à grands coups de reins », pour continuer malgré tout à remonter le fleuve avec « des avirons de fortune » « vers la source qui n'a pas de nom ». Les reprises nombreuses, les retours, les paronymies, les rimes, les amorces, les anaphores, les patterns grammaticaux disent le cycle de la vie qui doit toujours recommencer, toujours reprendre son élan sur ce qui a été vécu, perdu. Il faut forcer la parole, forcer la vie dans ses rails même si, certains matins, on aimerait la voir disparaître sous la neige. Regrets, « corps à l'envers », nudité de l'âme, douleur, enfermement, silence glacé, vide qui résonne, il y a tant à surmonter pour gagner un autre jour. le matin qui tangue sur la ville a beau avancer sa « mousse nue dans l'entrejambes des branches », il « fait semblant de recommencer le monde », il reste « sans fond », petit « canard boiteux » qui oblige à se refaire une figure sous « la peau rose des masques ». La radio même, avec son actualité mortifère, ajoute à la morsure du froid.
C'est donc d'un double hiver dont il est question dans ce recueil-journal écrit durant la mauvaise saison 2016-2017. Hiver du calendrier qui s'étire du « Neuf janvier au matin, dans la brume » à Paris au « premier mars, Nice, 35 ans », une saison « au bord du gouffre ». Hiver de l'âme qu'il faut traverser, « le cartable plein de livres » pour « contrer la mort », « la course au / Temps qui gagne toujours », pour « tout reprendre à zéro » et tenir jusqu'au lendemain dans les mots, avec les mots, fabriquer « des éclats / de verre avec du sable », même si tout semble vain « entre les doigts effarés / Qui ne serrent plus que de l'absence ». Les balises du calendrier, les repères quotidiens auront aidé à surmonter la douleur, à écouter son corps aussi, son souffle, à leur faire confiance, même si l'interrogation demeure, à jamais ouverte. le treizième poème, non daté, décalé du reste, libéré de ses majuscules, ouvre en ce sens un espoir, une palpitation nouvelle contre l'angoisse qui a trop joué « avec ses tourments ». La vie qui court dans les veines aura raison du noir, il est temps pour l'âme de sortir de son ghetto, habillée de neuf. « Sevivon sov sov sov », chante la toupie de Venise… et l'âme se met « à danser / dans le corps qui l'aimait. »

On reviendra alors à l'oeuvre de couverture : une lithographie de Titus Carmel « Tournant de l'hiver ». Oeuvre chaude dans ses couleurs, qui dit l'élévation, le sacré des cathédrales, le rythme des lignes qui font battre le coeur, « une manière de rappel à l'ordre du vivant », explique Adeline Baldacchino. Un « tournant » salutaire, une fin de cycle sans doute dans la vie et l'oeuvre du poète qui, matin après matin, essaie de réaccorder « ses horloges internes » jusqu'à cette affirmation : « La vie a toujours raison. »
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
 
 
Il y a les poèmes qu’on dérobe à l’aube pour tenir toute la journée. Ceux qu’on ramasse au fond des ruelles où s’envasaient nos cauchemars. Ceux qu’on dépoitraille pour leur aérer le cœur. Ceux qu’on tanne comme de vieilles peaux luisantes. Ceux qui s’érodent quand on les arrose. Ceux qui se froissent quand on les touche. Ceux qui se ressemblent et ne s’assemblent pas. Ceux qui font semblant de venir nous sauver, quand rien ne le peut.

Et nous le savons.

Et nous écrivons quand même.
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Théorie de l’émerveil

Voici, me levant ce matin, ce que je vois quand je regarde la mer :

le cortège de tous ceux qui savent
qu’on s’en va plus vite qu’il n’est temps de le remarquer

la foule immense de tous ceux qui ne voulaient pas
mourir de travailler
puisqu’on a bien assez à faire
de vivre pour mourir

la grande marée des indifférents
calfeutrés dans leur cabane
en attendant que passe
le temps des maudits

le déferlement des coléreux
qui n’en pouvant plus
de se faire taper dessus
se levèrent à leur tour
et sans taper
sur ceux qui tapaient
s’en allèrent crier
« ça suffit »
voilà tout

je vois encore la masse des planqués
qui se disent la mort nous oubliera
qui triment et qui trament des lâchetés
à l’ombre de leur masque
et se disent
l’argent nous sauvera
mais les sauvés ne seront pas
ceux qu’ils croient

je vois la multitude
qui se lève en sifflotant
sur un air de printemps
qui se dit : tiens, je n’irai pas ce matin
je n’irai pas
l’école est buissonnière
le rail est plein de fleurs
l’amour n’attend pas
ni la mort

c’est la grève.
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Je fixe les restes de la nuit dans mon bol de café
Je suinte l’amour par tous les pores

Je rédige à l’emporte-pièce
Des phrases qui cognent

Contre le jour

Qui me refuse sa bouche.
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Vois ce que je dépose
Entre ces lignes qui saignent

Leur encre malhabile

Moins chaude que mon sang

Moins vive que mes songes

Et tout ce que je dépose de rouge

Comme un dernier baiser

Qui s’effiloche entre les lignes…
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J’y vais aussi
Le cartable plein de livres
Pour s’ancrer dans la terre
Qui surnage dans la brume
Pleine de fils de fer et d’argent tordus
Qui s’enfoncent à vif dans la chair de l’âme
Il faut des livres pour contrer la mort
Des mots pour se désempaler
Se rassembler
Se ressembler
Recommencer
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Videos de Adeline Baldacchino (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Adeline Baldacchino
Comment ré-enchanter la politique ? Face à la défiance croissante à l'égard de la classe politique, Adeline Baldacchino, énarque et poétesse, dessine avec poésie des solutions à trouver du côté de la magie dans "Notre insatiable désir de magie" (Fayard, novembre 2019). L?auteure explique que sa formation et sa culture politique sont relativement récentes, construites progressivement. L?élément déclencheur a été pour elle la révolte des "Gilets jaunes", qui l?a amenée à penser un ré-enchantement possible de la sphère du politique.
La Grande table Idées d?Olivia Gesbert ? émission du 3 décembre 2019 À retrouver ici : https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/saison-26-08-2019-29-06-2020
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