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Citations sur Le monde englouti (22)

Telle une immense lésion purulente, la jungle gisait exposée sous l’hélicoptère à cabine ouverte. De massifs bouquets de gymnospermes géants s'étendaient sur les toits des bâtiments submergés dont ils gommaient les contours blancs rectangulaires. Çà et là, un vieux château d'eau en béton jaillissait du bourbier, les restes d'une jetée de fortune flottaient près d'un immeuble de bureaux en ruines, envahis d'acacias au feuillage touffu et de tamaris fleuris. D'étroits cours d'eau, changés en tunnels de lumière verte par des voûtes végétales, s'écartaient en sinuant des grandes lagunes et finissaient par rejoindre les chenaux larges de six cents mètres qui parcouraient les anciennes banlieues. La vase recouvrait tout, s'agglomérait en de gigantesques bancs contre un viaduc de chemin de fer ou une suite d'immeubles en arc de cercle, se déversait à travers une arcade engloutie tel le contenu fétide de quelque moderne Cloaca Maxima. La plupart des petits lacs en étaient désormais emplis, disques de boue jaune recouverts de moisissures d'où émergeait un enchevêtrement touffu de formes végétales rivales - jardins murés d'un Éden aliéné.
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La surface de l'eau était en feu, le bateau paraissait flotter sur un nuage de feu à la dérive.
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Tandis que le grand soleil se rapprochait, toujours battant, emplissant presque le ciel, l'épaisse végétation qui longeait les falaises de grès se vit brutalement repoussée pour révéler les têtes - noir et gris pierre - d'énormes lézards du Trias. Paradant jusqu'au bord des pentes abruptes, ils rugirent en chœur, tournés vers l'astre et le vacarme, peu à peu, enfla jusqu'à ne plus faire qu'un avec le martèlement volcanique des explosions solaires. Kerans, qui sentait battre en lui, tel son propre pouls, la puissante attraction hypnotique des reptiles hurlants, s'avança dans la lagune dont les eaux semblaient désormais former une extension de son système sanguin. Alors que s'accroissait encore la sourde pulsation, les barrières séparant ses cellules du milieu environnant lui parurent se dissoudre, et il se mit à nager, disséminant son être au sein des eaux noires vibrantes...
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Kerans observait les remous paresseux qui se créaient autour du cinéma, les quelques branches et touffes d'herbe qui dérivaient sur un courant nord-ouest, tandis que le soleil ardent masquait le miroir en fusion de la surface. L'eau martelait le portique à ses pieds et battait lentement contre son esprit, y créant un cercle sans cesse élargi d'interférences, comme si elle l'avait traversé dans le sens opposé à son propre courant. Tout en regardant une succession de vaguelettes lécher le toit pentu, il souhaita pouvoir abandonner le colonel et s'avancer tout droit dans les flots, dissoudre son être et les omniprésents fantômes qui le guettaient, tels des oiseaux sentinelles, dans le frais berceau de leur calme magique, dans cette mer à l'éclat vert dragon, hantée de grands serpents.
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Les souvenirs les plus vieux de la terre, le chiffrage des temps est contenu dans chaque chromosome, dans chaque gène. Chaque pas en avant dans l'évolution de notre espèce est une borne gravée de souvenirs organiques (...). La brièveté de la vie est trompeuse: chacun de nous est aussi vieux que toute l'espèce vivante et nos vaisseaux sanguins sont tributaires de l'océan de cet immense passé.
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Un peu plus tard dans la nuit, tandis que Kerans dormait sur sa couchette de la station d'analyses et que les eaux noires de la lagune dérivaient à travers la cité engloutie, le premier rêve lui vint. Il avait quitté sa cabine pour monter sur le pont, et contemplait maintenant, par-dessus le bastingage, le disque noir lumineux de la surface. À quelques dizaines de mètres d'altitude, tourbillonnaient dans le ciel les voiles denses de gaz opaque, à travers lesquels il discernait les vagues contours étincelants d'un gigantesque soleil. Tonnant dans le lointain, l'astre jetait un éclat terne et palpitant sur la lagune, illuminant par à-coups les longues falaises de grès qui remplaçaient l'anneau d'immeubles aux blanches façades.
La profonde vasque de l'eau, reflétant ces flamboiements intermittents, luisait d'une opalescence floue diffuse, lumière déchargée par une myriade d'animalcules phosphorescents qui s'aggloméraient en des nuages denses, telle une succession de halos engloutis, entre lesquels un fantastique écheveau fait de milliers de serpents et d'anguilles entrelacés déchirait la surface.
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il quitta donc l'immeuble pour s'enfoncer de nouveau dans la jungle, où il se retrouva totalement perdu au bout de quelques jours, à suivre une succession de lagunes, accablé de chaleur et de pluies sans cesse plus violentes, attaqué par alligators et chauves-souris géantes, second Adam cherchant les paradis oubliés du soleil ressuscité.
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Des panaches de mousse et de fumée s'échappaient des chaudières crevées, crachés par les fissures de la cocque qui avancaient au milieu des récifs aiguisés des corniches à demi submergées.
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De même que la psychanalyse reconstruit la situation traumatisante originelle afin de libérer les informations refoulées, nous nous trouvons désormais replongés dans le passé archéopsychique, nous redécouvrons les tabous et les impulsions archaïques demeurés latents durant des ères entières.
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A une vingtaine de mètres sous le canot, une allée grise s'allongeait entre les immeubles, toute droite, reste de quelque grande artère d'autrefois. Les carcasses bossues de voitures rouillées stationnaient toujours sur les bas-cotés. Un cercle de constructions intactes et par conséquent peu embourbées, entourait la plupart des lagunes, au centre de la ville. Dépouillés de toute végétation, si ce n'est quelques massifs de touffes de sargasses, les rues et les magasins avaient été presque entièrement préservés ; tout cela ressemblait à un tableau reflété par un lac, qui, on ne sait comment, avait perdu son modèle original.
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