"
Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau"... Avec un titre (d'origine) pareil,
Balzac ne connaissait sûrement pas le "spoil alert". Tout le roman s'emploie à détruire consciencieusement la moindre lueur d'espoir ou de suspense chez le lecteur : les événements sont annoncés avant qu'ils n'aient lieu, les coupables désignés avant d'être connus, leurs motivations dévoilées... Plus d'une fois, j'ai regretté que les choses ne soient pas présentées autrement.
Balzac ne connaissait-il donc pas les règles élémentaires de l'intrigue ? Ou bien voulait-il justement souligner l'aspect inéluctable de cette décadence qui attend César ? Quoiqu'il en soit, le lecteur, débarrassé de ces gênantes questions de "que va-t-il se passer ?", "comment ?", "pourquoi ?" peut être pleinement à l'écoute de ce que l'auteur a à dire sur le sujet des faillites.
Car on sent que ce roman a bien plus à raconter que la faillite d'un parfumeur. Ce qu'il raconte, c'est davantage l'impact des faillites sur les personnes, sur leur place dans la société, sur leur mental même. Il souligne aussi toutes les dérives légales que le système d'alors permettait pour ceux que l'honnêteté ne gênait pas aux entournures.
Balzac intègre ainsi d'assez longues explications sur un système qui n'est plus en vigueur aujour'hui, ce qui me donnaient un peu envie de hurler. Ceci combiné avec la destruction systématique de tout suspense aurait pu me faire détester ce roman.
Pourtant, j'ai plutôt bien aimé, malgré mon manque de goût pour les romans réalistes en général. À certains moments, j'étais même bien accrochée. Cela tient, à mon avis, aux personnages. César, sa femme et son entourage sont de petits bourgeois, sans grande intelligence, sans grande culture, sans grand courage. Des gens très ordinaires à deux doigts du ridicule. Pourtant,
Balzac réussit à maintenir un équilibre prodigieux en soulignant toutes les faiblesses, tous les ridicules de son personnage, tout en le rendant attachant et même respectable. C'est juste un homme mal armé pour affronter un monde sans pitié, pour se méfier des sirènes de la réussite et ne pas s'échouer sur les écueils de la vanité.
Contrairement à
Zola chez qui tous les personnages semblent laids, ceux
De Balzac ont une certaine grandeur qui les rend plus intéressants. Pour César, sa grandeur réelle apparaît finalement dans sa décadence sociale tout comme sa grandeur sociale cachait en réalité sa décadence. Et réciproquement.
D'autres personnages viennent éclairer cette histoire tragique par leur truculence ou leur grandeur d'âme. Hilarante Madame Madou, splendide abbé Birotteau...
En résumé : un roman réaliste qui n'a pas grand' chose pour plaire a priori mais qui s'avère intéressant à lire, bien qu'il ne soit peut-être pas inoubliable.
Lu dans la version audio disponible sur Littérature audio, enregistré par une voix très agréable.
Challenge XIXe siècle 2023