Citations sur Eugénie Grandet (337)
Il est dans le caractère français de s'enthousiasmer, de se colérer, de se passionner pour le météore du moment, pour les bâtons flottants de l'actualité.
Est-ce que nous ne vivons pas des morts?Qu'est-ce donc que les successions?
Monsieur Grandet jouissait à Saumur d’une réputation dont les causes et les effets ne seront pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point, peu ou prou, vécu en province. Monsieur Grandet, encore nommé par certaines gens le père Grandet, mais le nombre de ces vieillards diminuait sensiblement, était en 1789 un maître-tonnelier fort à son aise, sachant lire, écrire et compter. Dès que la République française mit en vente, dans l’arrondissement de Saumur, les biens du clergé, le tonnelier, alors âgé de quarante ans, venait d’épouser la fille d’un riche marchand de planches. Grandet alla, muni de sa fortune liquide et de la dot, muni de deux mille louis d’or, au district, où, moyennant deux cents doubles louis offerts par son beau-père au farouche républicain qui surveillait la vente des domaines nationaux, il eut pour un morceau de pain, légalement, sinon légitimement, les plus beaux vignobles de l’arrondissement, une vieille abbaye et quelques métairies. Les habitants de Saumur étant peu révolutionnaires, le père Grandet passa pour un homme hardi, un républicain, un patriote, pour un esprit qui donnait dans les nouvelles idées, tandis que le tonnelier donnait tout bonnement dans les vignes. Il fut nommé membre de l’administration du district de Saumur, et son influence pacifique s’y fit sentir politiquement et commercialement
Il est dans le caractère français de s'enthousiasmer, de se colérer, de se passionner pour le météore du moment, pour les bâtons flottants de l'actualité. Les êtres collectifs, les peuples, seraient-ils donc sans mémoire ?
Les avares ne croient pas à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l’époque actuelle, où, plus qu’en aucun autre temps, l’argent domine les lois, la politique et les mœurs. P 119
Charles devint dur, âpre à la curée. Il vendit des Chinois, des Nègres, des nids d'hirondelles, des enfant, des artistes ; il fit l'usure en grand. L'habitude de frauder les droits de douane le rendit moins scrupuleux sur les droits de l'homme.
- Permettez-moi de me retirer. Je suis obligé de m'occuper ce soir même d'une longue et triste correspondance.
-Faites donc, mon neveu, dit Grandet.
Lorsque, après son départ, l'avare put présumer que Charles ne pouvait rien entendre, et devait être plongé dans ses écritures, il regarda sournoisement sa femme :
- Madame Grandet, dit-il, ce que nous avons à dire serait du latin pour vous ; il est sept heures et demie, vous devriez aller vous serrer dans votre porte feuille. Bonne nuit, Eugénie.
Il embrassa sa fille, et les deux femmes sortirent.
Eugénie commençait à souffrir. Pour elle, la fortune n'était ni un pouvoir ni une consolation ; elle ne pouvait exister que par l'amour, par la religion, par sa foi dans l'avenir. L'amour lui expliquait l'éternité. Son coeur et l'Evangile lui signalaient deux mondes à attendre. Elle se plongeait nuit et jour au sein de deux pensées infinies, qui pour elle peut-être n'en faisaient qu'une seule. Elle se retirait en elle-même, aimant, et se croyant aimée. Depuis sept ans, sa passion avait tout envahi.
Charles demeura pantois au milieu de ses malles. Après avoir jeté les yeux sur les murs d’une chambre en mansarde tendue de ce papier jaune à bouquets de fleurs qui tapisse les guinguettes, sur une cheminée en pierre de liais cannelée dont le seul aspect donnait froid, sur des chaises de bois jaune garnies en canne vernissée et qui semblaient avoir plus de quatre angles, sur une table de nuit ouverte dans laquelle aurait pu tenir un petit sergent de voltigeurs, sur le maigre tapis de lisière placé au bas d’un lit à ciel dont les pentes en drap tremblaient comme si elles allaient tomber, achevées par les vers, il regarda sérieusement la grande Nanon et lui dit : — Ah çà ! ma chère enfant, suis-je bien chez monsieur Grandet, l’ancien maire de Saumur, frère de monsieur Grandet de Paris ?
Les avares ne croient pas à une vie à venir, le présent est tout pour eux. Cette réflexion jette une horrible clarté sur l'époque actuelle, où, plus qu'en aucun autre temps, l'argent domine les lois, la politique et les mœurs.
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Arriver "per fas et nefas" au paradis terrestre du luxe et des jouissances vaniteuses, pétrifier son cœur et se macérer le corps en vue de possessions passagères, comme on souffrait jadis le martyre de la vie en vue de biens éternels, est la pensée générale!