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Critique de Nastasia-B


Le diable et le bon dieu... tels pourraient être les termes pour désigner les deux pans nets, bien dessinés, clairement tranchés sous lesquels Honoré de Balzac nous donne sa vision de la chose.

De mon point de vue, ce n'est pas du grand Balzac, c'est même tout le contraire, mais Balzac est tellement Balzac que même lorsqu'il est dans un mauvais jour, même lorsque l'amadou est humide, il parvient à faire jaillir des étincelles par cette plume, par ce style qui lui est propre et que personnellement j'adore.

1°) Côté face : le Diable (Melmoth Réconcilié)
Dans ce court roman, Balzac revisite et se réapproprie à sa façon le thème du pacte avec le diable en réchauffant le mythe du Docteur Faust initié par Marlowe et fraîchement popularisé par Goethe. À la différence près qu'ici, après une entrée en matière tonitruante et corrosive à souhait, il fait récipiendaire de son pacte diabolique un obscur caissier de la banque de Nucingen.

Cet insignifiant caissier, Rodolphe Castanier, plongé dans les dettes jusqu'au cou pour les beaux yeux d'une apprentie prostituée repêchée in extremis sur le pavé de Paris, s'apprête à commettre sa plus savante malversation pour s'assurer le confort d'une nouvelle vie à l'étranger lorsqu'il voit apparaître un sinistre anglais du nom de John Melmoth.

Celui-ci voit tout, devine tout, domine tout et impose son fait. le caissier éberlué, au bord de l'abîme, déjà aspiré par les affres du gouffre, ne voit d'autre choix que d'accepter le pacte que lui soumet l'Anglais démoniaque.
Doué de ce don nouveau de vue extralucide, Castanier voit tout, les trahisons de sa maîtresse, les intentions fourbes des servantes, les soifs mesquines, les désirs fades, la grande comédie qu'est la vie. Un peu comme pour le Peter Schlemihl de Chamisso, la fortune de Castanier prend un goût très amer sitôt qu'elle s'offre à lui.

À l'étroit dans son omnipotence, rien n'est jamais aussi simple et beau qu'on se l'imagine vu d'en bas et c'est sur cette douloureuse réflexion que l'auteur nous place au travers de ce petit roman qui tient, à juste titre, sa place dans la section " études philosophiques " de la Comédie Humaine.

Le trait fantastique n'est pas ce que je préfère chez Balzac, mais ce petit volume se laisse lire sans aucun déplaisir et nous pose les questions : Que feriez-vous si vous disposiez d'un pouvoir illimité ? Qu'adviendrait-il de vous ? de vos désirs ? de vos espérances ?

2°) Côté pile : le Bon Dieu (Jésus-Christ en Flandre)
C'est un drôle de machin que ce truc. Un assemblage bancal et ad hoc pour la parution de l'intégrale de la Comédie Humaine en 1845 de deux nouvelles datant du début des années 1830 et déjà assez scabreuses l'une et l'autre, dans un registre où l'on ne connaît guère Honoré de Balzac.

Le première nouvelle portait elle-même le titre Jésus-Christ En Flandre et évoquait une nouvelle apparition du Christ marchant sur l'eau dans la tempête. La seconde témoignait du mystérieux pouvoir de transe et de délire qu'exercent sur un esprit prédisposé tant les détails que l'impression d'ensemble d'un monument tel qu'une cathédrale, en l'espèce, à l'origine la cathédrale Saint-Gatien de Tours. Il reprendra d'ailleurs ce thème spécifique dans les rêveries de l'abbé Birotteau dans le Curé de Tours.

C'est donc une manière d'exercice de contorsionniste auquel s'astreint l'auteur pour faire tenir ces deux nouvelles isolées en un édifice tant soit peu d'aplomb. Et pour être sincère, il n'y parvient pas, soit par manque de temps pour refondre les deux en un, soit parce que le lien est trop vague et trop artificiel.

Le message qui semble s'en extraire cependant renvoie à Melmoth Réconcilié, à savoir que le luxe, l'argent, l'amour de façade et la luxure, bref, la vie mondaine, est oeuvre du diable tandis que l'humilité, la franchise et l'amour vrai sont l'oeuvre de Dieu.

Je ne vous le cache pas, ces thèmes sont pour moi sans intérêt. En revanche, l'écriture De Balzac est, reste et demeurera à mes yeux un délice tant j'y éprouve de plaisir. J'arrive à me sentir bien même dans du mauvais Balzac, c'est dire ce qu'il en est lorsqu'il est au sommet de son art...

En outre, ceci n'est bien sûr que mon avis, bien faiblement inspiré — inspiré par qui d'ailleurs ? on se le demande, le diable ? le bon dieu ? ou plus modestement par le simple flux de mes artères ? Allez savoir... mais assurément, ce n'est pas grand-chose.
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