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Critique de Sachenka


L'abbé Birotteau n'est pas méchant mais vaniteux, voire ambitieux. Pensionnaire chez mademoiselle Gamard, une vieille femme tout aussi égocentrique, il convoite la chambre de son voisin l'abbé Chapeloup décédé recemment. C'est que le mobilier, les tableaux et surtout la bibliothèque ont une grande valeur à ses yeux. Tant qu'à y être, pourquoi pas sa charge de chanoine, ou bien le titre d'évêque ! Il en hérite bien la chambre meublée mais à quelques conditions auxquelles il n'a pas vraiment fait attention. C'est qu'il est un peu naïf, d'un naturel si ouvert qu'il ne peut imaginer des vilenies de la part des autres. Il est aussi un homme du monde, qui aime la compagnie de la bonne société alors que l'autre pensionnaire, le retors abbé Troubert qui, lui, pour s'assurer les bonnes grâces de la logeuse passe ses soirées avec elle. Cette vieille fille malfaisante et ambitieuse, ne voit pas d'un bon oeil que Birotteau préfère la société des autres à la sienne. J'ai bien aimé cette courte histoire, le curé de Tours. L'intrigue est claire et elle se développe à un rythme appréciable. C'est que, contrairement à d'autres romans De Balzac, où les longueurs et les descriptions à n'en plus finir peuvent parfois l'emporter sur le plaisir de lire. Ici, rien de tout cela ou très peu. Balzac, est bref, va à l'essentiel, c'est-à-dire à personnages s'accrochant à des faux espoirs, se promènent dans les salons et préparent quelques manigances. J'ai beaucoup apprécié l'échange entre madame de Listomère (amie et conciliatrice de Birotteau) et l'abbé Troubert, où chacun interprète les paroles de l'autre. Cette fine analyse psychologique est parfaite. Puis, avant que le lecteur s'en rende compte, il est rendu à la fin.

Chez Folio, le curé de Tours est suivi d'une autre courte histoire, Pierrette. Celle-là me fut pénible. Dès les premières pages, on découvre la pauvre Pierrette Lorrain et le jeune Brigaut qui s'intéresse visiblement à elle. Toutefois, Balzac tient absolument à décrire son arbre généalogique, remontant jusqu'aux grands-parents, à des oncles et tantes éloignés, racontant la petite histoire de chacun – même si la plupart son déjà morts ou mourants au début de l'histoire. Ouf ! Ce fut pénible. Pas parce que ce fut inintéressant, j'ai trouvé fascinant comment les membres d'une même famille se sont entredéchirés, comment certains ont manoeuvré pour écarté des parents et leur arracher un héritage, comment ces mêmes personnes ont élevé leurs enfants et en ont fait ce qu'ils sont devenus. Une étude digne de Zola. Donc, je comprends qu'il soit important de situer l'intrigue, de mettre en place les «acteurs» du drame. Ce qui m'a ennuyé, c'est que toutes ces informations sont balancées d'une seule venue. L'action ne s'enclenche vraiment que soixante pages plus loin, quand la pauvre et orpheline Pierrette arrive chez ses cousins Denis et Sylvie Rogron : deux célibataires au coeur endurci et qui la maltraiteront. Une fois la longue description passée, j'ai un peu plus apprécié la courte histoire poignante, avec des individus qu'on aime détester.

Ce que j'aime De Balzac, c'est que ses personnages – tant les principaux que les secondaires – ont chacun des motivations qui leur sont propres et qui guident leurs actions tout au long. Un peu comme un engrenage. J'ai mentionné plus haut sa fine analyse psychologique. Birotteau, Gamard, Troubert, Pierrette, les Rogron, etc., tous, ils sont réalistes, crédibles, complets. On comprend pourquoi ils sont ainsi et pourquoi ils agissent comme ils le font. À une exception près. Là où je ne suis pas d'accord avec l'auteur, c'est qu'il tire des conclusions hâtives, qu'il généralise de stéréotypes de personnages à partir parfois d'une seule caractéristique. Je m'explique. J'ai lu la préface après ma lecture des deux nouvelles et ce fut fort heureux sinon ça aurait teinté négativement mon impression. Voyez-vous, on y explique que Balzac estimait que les célibataires sont des individus nuisibles. le fait d'être seul amène les vieux garçons et les vieilles filles à devenir frustrés, égoïstes, à manquer de compassion et, incidemment, à profiter de la naïveté des gens de leur entourage. Allant même jusqu'à les broyer. le sort réservé à Birotteau et Pierrette en est bien la preuve. Mais est-ce vraiment la réalité ? J'ai connu plusieurs célibataires endurcis qui font preuve de dévouement à des causes et à des personnes, puis inversement des gens mariés qui sont atroces.
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