Nouvelles

Tour à tour drôle (Pierre Grassou), inquiétant (L'Auberge rouge), mystique (Un épisode sous la terreur, La Messe de l'athée), épique et poignant (Adieu), sensible (La Grenadière), et bien d'autres choses encore, Balzac nous montre dans ces nouvelles toute l'étendue de son immense talent, mais sans le luxe de description qu'on trouve parfois dans ses romans. Format resserré oblige, tout ici est épuré. L'auteur s'appuie sur des images fortes, sur des scènes puissantes. Ses personnages sont rarement ce qu'on croit qu'ils sont : il nous montre l'envers du décor, ce qui se cache sous l'épaisse couche de vernis social. La morale de toute ces histoires pourrait être qu'on ne doit jamais juger les gens sur leur mine. Balzac recourt avec subtilité à la technique de l'enchâssement des récits et se fait virtuose en y ajoutant la complexité supplémentaire des « auditeurs impliqués » (L'Auberge rouge). Dans son style inimitable, ici d'une grande fluidité, il nous livre ses considérations sur la vie politique, sociale et artistique de son temps (eh oui, on est chez Balzac tout de même !), ce qui débouche parfois, comme dans Z. Marcas, sur la dénonciation polémique des conditions sociales de son époque. Sa marque de fabrique en quelque sorte ! L'ensemble constitue également une profonde méditation sur le sujet qui structure toute la Comédie humaine : les pouvoirs ravageurs de la pensée, le plus souvent sous l'emprise d'une quête obsessionnelle de l'Amour, de l'Art ou de l'Argent. Tous ces thèmes sont traités avec la délicatesse qui sied à son siècle, le rythme est toujours enlevé, la chute bien souvent inattendue. Je ne peux que conseiller ce recueil à tout lecteur qui serait tenté par Balzac mais que pourrait rebuter la longueur de certains de ses romans, tellement il témoigne de sa profondeur de vue.