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Critique de berni_29


Nous sommes en Inde, précisément à Bombay en août 2001 dans une communauté religieuse qui accueille les déshérités, la congrégation des Soeurs de la charité. Soeur Marie, une religieuse, rassemble les affaires de Mattia Bolucini, son ami et humaniste fortement engagé dans l'action de la communauté et récemment décédé. Elle y découvre ainsi un cahier écrit quelques années plus tôt par son épouse Aurore.
Ouvrant ce cahier et lisant les premières pages, elle va tirer un long fil comme un écheveau qui va l'amener dans le passé de Mattia et d'Aurore, découvrant les moments et les événements qui ont forgé leur rencontre, leur relation, les à-côtés de leur histoire commune...
Ces premières pages la plongent en 1978 lorsqu'Aurore âgée de douze ans échappa par miracle à un accident de voiture dans les Pyrénées, accident qui coûta la vie à ses deux parents médecins, Capucine et Chris. Accident ? Pas vraiment, puisqu'il sera constaté plus tard que les freins du véhicule avaient été sabotés. L'enquête diligentée ne permettra malheureusement pas de résoudre l'énigme, retrouver les coupables. Quant à Aurore, elle eut le temps d'apercevoir la silhouette mystérieuse d'un homme rôder autour du véhicule accidenté puis prendre la fuite.
Aurore va être élevée par son grand-père à Rome. Hantée par ce drame, persuadée qu'il s'agit d'un meurtre, elle n'aura de cesse d'y penser en grandissant, c'est sans doute cette conviction qui la fera devenir plus tard commissaire de police, scellant une volonté d'engagement au service des victimes et de la loi.
Aurore et Mattia Bolucini, magistrat, font connaissance dans le cadre de leurs missions professionnelles.
Le hasard les rapproche d'une toute autre manière, ils vont ainsi découvrir qu'ils partagent les mêmes valeurs de vérité et de justice. Mattia Bolucini est particulièrement touché par les engagements humanitaires d'Aurore et celle-ci découvre en l'homme un idéalisme qui la touche. Une amitié se forge tout d'abord qui va peu à peu se transformer en amour, mais ce qui les rapproche aussi ce sont leurs blessures respectives, l'absence d'un père, d'une mère, la nostalgie qui murmure en eux comme un écho douloureux, celui d'un vide affectif.
On pourrait s'attendre ici à une rencontre avec des bons sentiments...Mais le titre, le Mirage de la justice, est là brusquement pour nous rappeler, du moins dans ce récit, que la justice, ce sont aussi ses coulisses, ses faux-semblants, ses petits arrangements avec le milieu de la pègre...
L'envers du décor est loin d'être rutilant.
Et la famille qui est là encore, ou du moins ce qui en reste, n'est peut-être pas une forteresse pour protéger, mais un marigot où de lourds secrets stagnent dans des eaux dormantes prêtes à se réveiller...
D'une écriture apparemment simple, les premières pages m'ont plongé dans les méandres d'un récit complexe où les personnages ne révèlent pas totalement ceux qu'ils sont d'emblée. C'est le principe d'une intrigue et, force est de constater que Laure Barachin manie cet art avec délicatesse et habilité.
Aurore et Mattia avancent dans l'histoire qu'ils construisent, tandis qu'une clé vient ouvrir la boîte de Pandore, des portes claquent dans le vent, des abîmes s'ouvrent sous leurs pas affolés... C'est comme une toile d'araignée qui vient saisir le passé dans sa nasse.
Ce roman aux allures rythmées d'un thriller nous entraîne dans une histoire qui y ressemble, qui s'en échappe aussi et c'est un vrai bonheur.
La construction est originale, à partir de la découverte de manuscrits, points de départ du livre, ce sont des récits qui s'enchâssent avec harmonie jusqu'au dénouement final.
Des thèmes qui me sont chers sont venus ici au rendez-vous, comme celui de la filiation ou du déterminisme social et même si la narration nous entraîne dans un monde de ténèbres, la lumière qui anime certains personnages est particulièrement belle. J'ai été notamment touchée par ce très beau portrait d'Yselda, cette enfant des bidonvilles de Bombay...
Parfois la compassion, le pardon, la rédemption viennent bousculer certains itinéraires qu'on croyait immuables.
Le Mirage de la justice est mon deuxième rendez-vous avec un roman de notre amie Laure Barachin (Melpomene125 sur Babelio). le premier était Les enfants du mal.
Le Mirage de la justice est une suite à ce roman, mais je pense qu'il peut être lu indépendamment. Cependant, je vous encourage à lire les deux, pour le plaisir de connaître l'histoire torturée et bouleversante des parents d'Aurore... Et pour le plaisir aussi de venir à la rencontre d'une grande autrice.
Un des chapitre de ce livre commence par une citation d'Emily Brontë, dans Les Hauts de Hurle-vent :
« Ne me laisse pas dans cet abîme où je ne puis te trouver. Oh ! Dieu ! C'est indicible ! Je ne peux pas vivre sans ma vie ! Je ne peux pas vivre sans mon âme ! »
Cette très belle citation, choisie à juste titre par Laure Barachin fait merveilleusement écho aux tréfonds de l'âme qui soutiennent l'édifice de ce récit empli d'ombres et d'humanité.
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