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Critique de HundredDreams


« Il était une fois un conte né des profondeurs caverneuses de l'humanité… A travers le labyrinthe du temps, une formule enchantée, plus légère qu'un flocon de poussière, se frayait un chemin jusqu'à l'oreille » du lecteur.
L'incipit donne le ton. Une écriture élégante, sombre et cruelle.

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Il était une fois un père violent, dominateur et insensible qui veut se débarrasser de sa fille en la mariant de force.
Il était une fois Eugénie, une princesse belle comme le jour, généreuse mais tellement naïve.
Il était une fois un roi fortuné nommé Barbiche qui demande la jeune femme en mariage, un gentilhomme charmeur, aux manières raffinées, mais les apparences sont bien trompeuses.
Il était une fois un jeune chien noir, blessé et tout crotté, au beau pelage bouclé, ramassé au bord du chemin qui mène notre délicate héroïne vers sa nouvelle demeure et son destin.
Il était une fois un château lugubre, maléfique et labyrinthique, de style néogothique construit en granit noir, se dressant sur une île isolée battue par des flots agités.
Il était une fois une petite clé faite d'or ouvrant une pièce mystérieuse et interdite. Notre princesse malade d'ennui va-t-elle succomber à la curiosité et braver l'interdit ? Ne dit-on pas que la curiosité est un très vilain défaut ?

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Mais vous l'aurez bien compris, ce roman est une jolie réécriture du célèbre conte de « Barbe Bleue », écrit en 1697 par Charles Perrault qui s'est inspiré d'un personnage non moins connu : le roi d'Angleterre Henri VIII. Marié six fois, le souverain britannique a fait décapiter deux de ses épouses !
Je vous laisse le plaisir de découvrir la suite imaginée par l'auteure, différente de la version originale du conte.

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Mais attention, ce conte-ci ne s'adresse pas à un jeune public, certains passages pourraient heurter leur sensibilité, avec en particulier, des scènes de viol, de meurtres et de tortures. Mais il n'y a aucun voyeurisme dans l'écriture de l'auteure qui ne s'attache pas à dépeindre les scènes avec des détails sordides ou scabreux, ce que j'ai apprécié, je ne vous le cache pas.

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De nombreux clins d'oeil aux contes de notre enfance, la Belle et la Bête notamment, mais aussi Cendrillon, l'oiseau Bleu, Peau d'Âne, Blanche-Neige jalonnent cette histoire. le roman s'ancre ainsi dans le passé, mais aussi dans le présent (références au jeu Monopoly, à la chanteuse Kate Bush, ou à la crème Coldcream, le thé tchaï) pour nous rappeler que les contes traversent le Temps.

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Premier roman de Lucie Baratte, l'auteure rend hommage à la conteuse Mme d'Aulnoy (1651-1705), auteure de « La Belle et la Bête » ou de « La chatte Blanche », et à Angela Carter (1940-1992), auteure de « la compagnie des loups » de magnifique façon.

Elle nous plonge dans une abime de noirceur avec ce conte gothique qui met en scène une jeune femme innocente et pure qui, voulant échapper à la domination d'un père cruel, se jette dans les bras d'un homme dominateur, malsain et meurtrier. Un roman très féministe pour un sujet très actuel.
Cette réécriture est suivie d'une postface très intéressante d'Elisabeth Lemirre, spécialiste du conte littéraire français, qui analyse pour nous « le chien noir » et nous donne toutes les clés pour comprendre ce genre littéraire.

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Une belle surprise, une réécriture originale, un roman envoutant qui donne aussi quelques frissons, un genre littéraire que l'on a perdu l'habitude de lire et qui mérite une percée dans le monde littéraire. Une jeune auteure talentueuse à suivre.
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