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Critique de vibrelivre


Une rose seule
Muriel Barbery
roman (son cinquième)
Actes Sud, 2020, 158p


C'est un petit livre (douze courts chapitres) qui repose et ragaillardit. le rythme en est lent, celui d'une promenade au Japon, celui d'une narratrice, Rose, la quarantaine, rousse aux yeux verts, rien de typiquement japonais, en deuil et surtout en colère : le père japonais, Haru, qu'elle n'a jamais connu, un amour de passage de sa mère, et dont elle croit qu'il ne s'est jamais soucié d'elle, vient de mourir.
On a le temps de se laisser prendre par le paysage, les fleurs, les pierres, les collines, d'entendre ce qu'il veut dire, ou ce que le père dit à travers lui, qui a pensé les balades que fera sa fille en compagnie de Paul, son associé belge, qui boite et finira par dire à Rose la raison de cette boiterie. Les temples, et il y en a beaucoup qui figurent dans le programme de visites, ont une vertu d'apaisement et de métamorphose. On entre dans les pièces à tatamis, on fait coulisser les portes. Un érable trône dans la pièce principale. L'érable comprend toutes les mutations en lui, il est plus libre que moi, dit un samouraï esthète à son fils. Sois l'érable et voyage dans les métamorphoses, continue-t-il.On mange du poisson au petit-déjeuner, on goûte des thés différents selon les heures de la journée. « Le thé de ce matin n'avait presque pas de goût et, portant, il avait le goût de tout » commença Rose. « C'est une bonne définition du Japon » dit Paul. On boit sans modération du saké et des bières. C'est toute une ambiance qui s'installe et qui prend. On apprend l'importance du regard : le monde est comme un cerisier qu'on n'a pas regardé pendant trois jours.

Rose est rugueuse, austère, totale. Fille d'une mère suicidaire qui est passée à l'acte il y a cinq ans, elle a été élevée tendrement par sa grand-mère. Elle est spécialiste de géo-botanique. Elle bouleverse Paul, qui supporte patiemment sa mélancolie, sa rage, son sale caractère. Les personnages que rencontre Rose ont tous connu la perte, d'un enfant, d'un amour. Haru n'avait rien perdu qui suivait de loin l'évolution de sa fille. C'est un samouraï dont la première des vertus est la loyauté. C'est un homme qui appréciait l'art et qui savait qui il était. Rose se demande comment on peut savoir qui on est. Haru a aussi le sens du don. le don le plus précieux qu'il fait à sa fille, c'est de lui apprendre le Nanzen-je, la transformation. Elle voit cette transformation en elle. Kyoto qui lui paraissait laide au départ, enfermée dans son béton, finit par lui plaire. Elle, s'ouvre aux autres et à l'amour. Une rose seule, comme toutes les roses, dit Rilke.

le livre ne manque pas d'humour, notamment dans la rencontre avec le potier-peintre, calligraphe, complètement soûl, qui lui fait remarquer qu'elle ne sait pas regarder les fleurs, et qu'elle est vraiment coincée, et qu'il a, lui, le remède.

La construction du roman est raffinée : elle ouvre deux volets, l'un sur le Japon, ou la Chine, d'avant, c'est une page d'histoire ou un conte qui se lit, ou des préceptes de sagesse qui résonnent en échos d'un mode lointain à celui-ci, et l'autre débouche sur un récit qui lui emprunte son ton, son titre et son thème.

Muriel Barbéry a vécu deux ans au Japon. Elle, la veinarde, y a bénéficié d'une résidence d' écriture. Et elle écrit là une ode à ce pays qui m'attire. C'est aussi une ode aux morts, les siens et ceux des autres, que l'autrice compose. Son roman est délicat, épuré.
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