-Le thé de ce matin n’avait presque pas de goût et, pourtant, il avait le goût de tout, commença-t-elle.
-C’est une bonne définition du Japon, dit-il.
Si on n ‘est pas prêt à souffrir, dit-elle, on n’est pas prêt à vivre.
Sa jeune vie avait été morose. Celles des autres lui paraissaient chatoyantes et gracieuses, la sienne, lorsqu’elle y songeait, la fuyait comme l’eau sur la paume. Quoiqu’elle eût des amis, elle les aimait sans élan ; ses amants traversaient le paysage comme des ombres, ses jours se passaient à fréquenter des silhouettes indécises. (page 22)
On ne survit pas à la mort d’un fils, on se transforme en une autre qui, de temps en temps, peut de nouveau respirer.
Nous autres Japonais avons appris de notre archipel tourmenté l’implacabilité du malheur. C’est par cet accablement natif que nous avons su transformer notre contrée de cataclysmes en éden, en quoi les jardins de nos temples sont l’âme de ce pays de désastre et de sacrifice. (page 152)
- Vous êtes le larbin d’un mort, c’est ça qui vous rend si insipide et coincé, continua-t-elle.
- Je suis l’exécuteur testamentaire, d’un homme que j’admirais et, à sa requête, je balade son emmerdeuse de fille de temple en temple. C’est ce que vous voulez ? Qu’on rentre dans votre petit jeu dépressif-agressif ? (page 78)
La vie était tissée de fils d’argent qui serpentaient entre les herbes folles du jardin – elle en suivait un, plus brillant et plus ardent que les autres, et cette fois, il s’étirait longtemps, se poursuivait à l’infini. (page 42)
Le Japon est majoritairement un joyeux bordel. (page 30)
Le Japon est un pays où on souffre beaucoup mais où on n’y prend pas garde, dit l’anglaise. Pour récompenser de cette indifférence au malheur, on récolte ces jardins où les dieux viennent prendre le thé.
Elle se sentait assommée de beauté, de minéralité et de bois ; tout lui était torpeur, tout lui était intense ;