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Critique de Folfaerie


"Une multitude fuyait dans les rues, hurlait, fuyait vers le nord, fuyait devant l'enfer. Il n'y avait plus de respect, plus d'amour, plus de famille. Chacun courait pour sa peau"

Pas de doute, c'est une scène de fin du monde. René Barjavel a écrit son roman sous l'Occupation, en 1942, ce qui explique en partie le choix du thème de ce livre.

Le roman débute d'ailleurs de manière bien banale. Nous sommes dans le futur, en 2052, et mis à part quelques transformations de Paris dues aux technologies de l'époque, les Hommes ne sont guère différents de ceux d'aujourd'hui. le personnage principal de Ravage, François, issu d'une famille de paysans, est amoureux de son amie d'enfance, la jolie mais superficielle Blanche, qui a préféré une carrière artistique et s'apprête à devenir une célébrité sous la férule de l'antipathique Jérôme Seita qui règne en maître sur le show-business. Ce qui s'apparente à un roman sentimental prend brusquement une autre tournure lorsque le chaos s'abat sur la France. Une panne d'électricité provoque l'arrêt de toutes les machines. Pour cette société dépendant de la mécanisation, de la technologie, c'est l'effondrement total. Plus aucun moyen de se déplacer, d'avoir de l'eau ou de l'électricité. Très vite l'affolement de la population parisienne est à son comble, les catastrophes s'enchaînent et dont les conséquences sont redoutables : gigantesques incendies, propagation de maladies, etc. Une nouvelle ère apocalyptique s'ouvre sous les pas de l'Humanité car ce n'est pas seulement Paris qui est touchée mais le monde entier.

Une poignée de survivants menés par François entamera un périple éprouvant pour gagner un coin de campagne française épargnée par ces bouleversements. Là, François recréera une autre société, fondée sur le retour à la terre et le travail manuel. Une belle revanche pour la nature.

Voilà très succinctement résumé ce roman d'anticipation qui m'a beaucoup plu, malgré un petit côté daté. L'important n'est pas tant la description des technologies avancées imaginées par l'écrivain (dont la plus bizarre est la description du procédé qui permet aux citoyens de garder leurs morts avec eux, sous une apparence normale) que les conséquences de cette dépendance aux machines. Barjavel n'y va pas pas quatre chemins. D'ailleurs, le contraste est terrible entre la première partie du récit, un peu désuète, et le début de la catastrophe. Les scènes de panique sont d'un réalisme saisissant, car en un laps de temps très court, les gens redeviennent des barbares capables des pires actes pour survivre. Même François - que je ne peux qualifier de héros - fait preuve d'une absence totale de scrupules pour sauver sa vie et celle de Blanche, forçant même ses compagnons d'infortune à des choix douloureux. Sont très bien vues également les scènes qui se passent au sein du gouvernement. Ce n'est pas différent d'aujourd'hui : indécision, grands discours (et mensonges) et aucune mesure n'est prise. Pire, ces gens au pouvoir ont été incapables d'anticiper, de prévoir, et sont tout aussi démunis que le plus simple des ouvriers...

On suit avec appréhension la fuite du petit groupe qui doit faire face à bien des dangers. Cependant, la scène la plus poignante est la crise de folie qui touche certains d'entre eux (une hallucination collective effrayante) et qui provoquera leur perte.

La toute dernière partie du roman et la fin ne seront probablement pas du goût de tous les lecteurs : un retour à une société patriarcale où la femme n'a pas d'autre rôle que procréer, un autoritarisme qui laisse songeur (on brûle les "mauvais" livres, on détruit toutes les machines et on brise impitoyablement ceux qui rêvent à nouveau au progrès) et pourtant, il m'a semblé que la vision de Barjavel était tout à fait cohérente. C'est bien en cela que le roman est terrible, dans ce constat impitoyable: il n'y vraiment pas grand-chose de bon à tirer de l'espèce humaine...

Un très bon roman d'anticipation qui, s'il a un peu vieilli sur la forme, reste néanmoins terriblement lucide sur le fonds.

Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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