Trente-trois fois mon amour

Porter le deuil, c’est une forme d’amour qui ne fait qu’alimenter le malheur.

Ne pleurez jamais d’avoir perdu le soleil, les larmes vous empêcheront de voir les étoiles.

Poète bengali Rabindranath Tagore.

–Je n’ai pas peur du dernier jour.
–Eh bien, vous devriez Monsieur Azoulay. Vous finirez bien par devenir vieux et par avoir les cheveux blancs, vos os usés vous feront souffrir, vous aurez du mal à lire, vous ne comprendrez plus que la moitié de ce qu’on vous dira. Vous vous déplacerez courbé, en trainant les pieds, vous aurez toujours froid, et vous serez fatigué de la vie que vous aurez vécue. À ce moment-là, vous pourrez mourir et rejoindre votre femme dans la tombe, pas de problème. Mais pas maintenant.

Le soleil était tombé du ciel, et je logeais dans un trou noir d'encre, vide de mots

Les morts devraient toujours occuper une pièce dans nos souvenirs. Nous pouvons aller les voir là-bas, mais il est important de les laisser dans cette pièce et de refermer la porte derrière nous en repartant.

L'inexplicable change l'être humain. Les questions sans réponses sont plus difficiles à supporter que toute autre chose, si bien que nous nous donnons du mal pour acquérir une certitude. Nous aspirons à la vérité, à la connaissance - mais qu'advient-il si nous ne sommes pas sûrs de réellement vouloir savoir ce que nous découvrirons en fin de compte ? Si l'illusion éclate comme une bulle de savon?

Créer un univers qui ne soit pas bourré de platitudes, qui possède la merveilleuse légèreté nous donnant le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré tout – le voilà, l’art véritable ! Pour ma part, j’estime être trop vieux pour lire des histoires qui vous font penser, le livre refermé, qu’il vaudrait mieux se jeter tout de suite du haut de l’immeuble le plus proche.

Quand on aime, on lance son cœur par-dessus le mur et on saute derrière lui.

En fin de compte, tous les malheurs de ce bas monde ne résultent peut-être pas du fait que les hommes sont incapables de demeurer en repos dans une chambre, pour reprendre la formule si pertinente de Blaise Pascal... Ils sont plutôt dus à leur manie de se comparer aux autres.

Nous mourons tous un jour, Julien. C’est normal, ça fait partie de la vie. Simplement, mon tour arrive un peu tôt, voilà tout. Je ne peux pas dire que ça me remplisse de joie, mais c’est ainsi, avait-elle précisé en haussant les épaules avec impuissance.