Lorsqu'on a passé beaucoup de temps loin d'une chose aimée, la retrouver est agréable. On a plaisir à s'y immerger, invisible, comme si l'on revêtait une cape de ténèbres, où le temps s'arrête, et il y a seulement le battement de votre coeur, le mot suivant, puis le suivant.
Si les choses sont et ne sont pas ce qu'elles semblent être, n'en va-t-il pas presque toujours ainsi ?
Je l'interroge sur quelques autres écrivains. Elle ne manifeste pas le moindre intérêt, mais joue le jeu et demande si j'ai lu certains écrivains de sa connaissance. Lorsqu'elle cite Richard Ford, je lui demande si elle a entendu parler de sa philosophie du lapin écrasé : quand on est critique littéraire, dit Ford, il est absurde de rédiger la critique d'un livre qu'on n'aime pas. Autant rouler sur la route et faire un écart pour écraser un lapin.
Les odeurs sont déjà délicieuses -- notre cher ami l'ail -- et je me sens requinqué.
Un roman est une fusée lancée vers un autre univers, et l'on n'y arrivera jamais si tous les matins au réveil on va vérifier son compte bancaire sur l'ordinateur, ou si l'on surveille l'heure en permanence, otage de la tyrannie du temps.
L'une des choses les plus agréables quand on brûle vraiment la chandelle par les deux bouts, c'est la qualité du sommeil dans lequel on sombre ensuite et la ligne tremblotante entre le monde réel et le monde des rêves à l'heure du naufrage.
Le vent souffle de plus en plus fort, les éclairs illuminent l'obscurité. Des gouttes de pluie grosses comme des têtards s'écrasent sur le pare-brise.
La lueur verte de la beauté fond sur moi comme une drogue puissante, irrésistible. Ma joie est peut-être un peu trop désespérée, mais bon Dieu, si l'on se met à critiquer le bonheur, alors quel espoir nous reste-t-il?
Lorsque nous nageons, notre sillage froisse la surface. Les huards nichant à l'autre bout du lac hurlent et lancent leurs appels vibrants. De temps à autre, une truite minuscule bondit pour tenter d'attraper un moucheron ou un trichoptère.
L'eau du lac est froide. Il y a un aigle à tête blanche dans l'un des peupliers géants; l'arbre et l'oiseau se reflètent dans le bol parfait du lac.