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Critique de calicles30


Gilles de Rais : de Jeanne D'arc à Barbe Bleue


Sources : Georges Bataille le Procès de Gilles de Rais (1965)
Distribution : Pascal Gregory, Mathieu Amalric, Vincent Cassel (France) Ewan Mc Gregor, Jon Malkovitch, Jude Law (UK) Robert Downey Junior (USA)


Les grands sadiques criminels sont particulièrement dangereux et peuvent aller jusqu'au crime, accompagné le cas échéant de tortures et de mutilations ; ils sont généralement chastes. Ces sujets à sexualité génitale habituellement défaillante et souvent teinté d'oralité (vampirisme) dont Gilles de Rais et Jack L'Éventreur fournissent des exemples célèbres relèvent sans doute davantage de la psychopathologie des criminels que de l'approche psychanalytique (Encyclopedia Universalis)


I. le crime et la nuit

Gilles de Rais doit sa gloire à ses crimes. le crime est le fait de l'espèce humaine, et de lui seul. Il en est surtout son aspect le plus secret, le plus impénétrable et dérobé – le crime se cache. Dans la nuit qu'il propose à notre peur, nous sommes tenus d'imaginer le pire. En effet, le crime appelle la nuit ; le crime sans la nuit ne serait pas le crime : l'horreur de la nuit aspire à l'éclat du soleil. Par comparaison, il manque aux sacrifices aztèques, qui avaient lieu dans le même temps que les meurtres de Gilles de Rais, la consécration qui tient à la haine du jour, au désir de la nuit. le pire est toujours possible et même du crime, le pire est le sens dernier. Devant les crimes de Gilles de Rais, nous avons le sentiment curieux d'un sommet, d'une apothéose. Si le principe de la tragédie réside dans le crime, Gilles de Rais, plus que tout autre est un personnage tragique.

II. le sexe et le sang

La tragédie est nécessairement impure, elle est d'autant plus vraie qu'elle est impure. Gilles de Rais est un homme ivre de sang. Il aimait voir le sang, voir la mort à l'oeuvre. Philippe II, roi d'Espagne, vomissait à cheval au pillage de Saint Quentin. Loin de vomir devant le spectacle de la guerre, Gilles, lui, tuait par goût de la cruauté. Ses victimes privilégiées étaient des enfants âgés de sept à vingt ans, qui avaient l'imprudence d'attendre l'aumône au portail des demeures libidineuses de Machecoul et Tiffauges. le pédéraste préférait sans nul doute les garçons. Au départ, un étranglement : réduits à des râles, le monstre voulait prévenir leurs cris. Mais la volupté n'était pas l'essentiel. Sans doute, il s'asseyait sur le ventre de la victime et, se maniant, il frottait son membre viril, l'érigeait, l'introduisait entre les cuisses de la victime, s'échauffait tellement que, criminellement, le sperme se répandait sur le mourant. C'est alors que Gilles incisait la veine, le sang jaillissait et qu'il jouissait. La jouissance se mêlait à la mort des enfants. Ses complices et lui séparaient la tête du corps avec des dagues, des poignards et des couteaux. Après la décapitation, Gilles se délectait à regarder les têtes coupés, il les embrassait et souvent baisait celle qui lui plaisait davantage. Il riait de voir les sauts et les contorsions des enfants la gorge ouverte – destinée à servir la volonté d'un seul, la cérémonie s'était déroulée sans angoisse.

III. le Diable et le Christianisme

Les goûts, les fantaisies, les caprices, les préférences sexuelles du monstre ont été dûment notées avec une minutie qui brave la pudeur. le Moyen Age distinguait avec profondeur deux sortes de diabolismes, ou deux perversions fondamentales : l'une par possession, l'autre par pacte d'alliance. La possession est propre au sadisme, le pacte celle du masochisme. Dans le pacte dont' il offrit au diable, Gilles réservait son âme et sa vie. Par le crime, dans sa piété superstitieuse, le maître eut le sentiment d'appartenir au monde sacré. Devant le Diable, personnage surnaturel, Gilles de Rais tremblait. le diable le fascinait, un diable grimaçant, régnant sur l'éternel effroi de l'enfer. En fait, devant les crimes de l'ogre, le christianisme le plus vrai est toujours prêt à pardonner. Peut-être le christianisme ne veut pas d'un monde sans violence. Il fait la part à la violence. Aussi est-il exigence du crime, exigence d'une horreur. Finalement, les contradictions de Gilles résument la situation chrétienne : dévoué au démon, il égorgea un maximum d'enfants pour enfin réserver le salut de son âme à la légende.

IV. Tragédie de la noblesse

Gilles de Rais, arrière petit-neveu du connétable du Guesclin, petit-fils de Jean de Craon, fils de Guy de Laval compte au nombre des plus nobles, des plus riches et des plus influentes maisons féodales de son temps. Cet homme de guerre, cet ogre est d'abord et avant tout un privilégié. Son existence elle-même est fascinante et la noblesse de Rais annonce le monstre. le monde féodal, en effet, ne peut être séparé de la démesure, qui est le principe des guerres. Au temps de Gilles de Rais la guerre est toujours le jeu des seigneurs. Elle exalte les privilégiés. L'intérêt de la guerre est la guerre elle-même, qui fascine et qui terrifie. Tous ses proches sont de puissants féodaux, propriétaires de vastes campagnes que dominent de massives et luxuriantes forteresses, sanctuaires dont les seigneurs étaient encore les dieux. Charité, terreur religieuse, ambition, vaniteux plaisirs, intérêts sordides se partagent une vie opulente et fragile. Dans la société du XVe siècle, la féodalité réserve à ces grands seigneurs qui rient, qui chassent et qui font la guerre, qui ne cessent de songer à l'ennemi, au rival, mais qui rarement s'ennuient et jamais ne travaillent, le privilège, suprême de se dévorer entre eux. Gilles de Rais appartient d'abord à son temps, dont il partage les plaisirs de l'égoïsme, l'oisiveté et les désordres. Les crimes de Gilles de Rais sont ceux du monde où il les commit. Ce sont les mouvements convulsifs de ce monde qu'exposent ces gorges tranchées.

V. La mort spectaculaire

Autant que la tragédie, la mort du supplicié était au Moyen Age un moment exaltant et significatif de la vie humaine destiné en premier lieu à la foule. Gilles de Rais n'était qu'un homme de guerre brutal, un grand seigneur sans retenue et sans scrupule. Rien ne le désignait à la sympathie finale de la foule. Au moment de sa mort, c'est un monstre qui pleure, et c'est le repentir d'un monstre. Tel un acteur, le criminel ne jouit qu'enfin démasqué. Dans un faste théâtral, Gilles de Rais tira de ses turpitudes, de ses larmes et de ses remords le moment pathétique de l'exécution. À l'exhibitionnisme violent de Gilles de Rais, qui porte le fondement de la superbe féodale, de l'insolence et de l'exploitation essentielle à la noblesse répond le sens spasmodique de sa mort et de ses aveux : étranglé, pendu, il apparut devant la foule dans le brasier qu'enflamme le bourreau. Ce qui étreint dans la mort de Gilles de Rais, c'est la compassion de ceux qui le regardent pleurer, qui pleurent avec lui, dans une sympathie terrifiée et transie par le pardon. le voilà enfin devenu « monstre sacré ».

Les Personnages

Gilles de Rais et Jeanne d'Arc

Tout au cours du Moyen Age se développe en France, plus que dans n'importe quel autre pays de la Chrétienté, un sentiment sinon « national », du moins « patriotique ». En effet, dès la fin du XIIIe siècle, beaucoup de Français estiment qu'il est louable de « mourir pour la patrie », et cette patrie, c'est de moins en moins la petite patrie locale ou régionale mais la grande patrie : La France. Ce mouvement produira Jeanne d'Arc, et ce sentiment se développera autour de la monarchie vécue comme un Etat symbolisé par la « couronne ». C'est le grand siècle du triomphe de la centralisation monarchique. Durant son épopée (1429-1431), Jeanne d'Arc donnera un coup de fouet à la reconquête du pouvoir par Charles VII notamment lors de la fameuse victoire de Troyes. Tombée aux mains des Bourguignons puis vendue aux Anglais qui la déclarent sorcière, elle sera brûlée vive le 30 mai 1431 à Rouen après son procès pour hérésie dans lequel elle se défendit avec autant d'habileté que de courage. Jeanne D'arc a inspiré beaucoup d'oeuvres, entre autres:

- Ditié de Jeanne d'Arc, poème de Christine de Pisan (1429)
- La Pucelle d'Orléans, tragédie de Schiller (1801)
- Sainte Jeanne, pièce de G.B Shaw (1923)
- La Passion de Jeanne d'Arc, film de Carl Dreyer (1928)

Après la mort d'Amaury, fils de Jean de Craon, à la bataille D Azincourt, Gilles devient, à onze ans, l'un des plus riches héritiers du royaume. Dès 20 ans, il aura dès lors une place importante dans la lutte contre les Anglais. À la folle richesse de Gilles s'ajoute une bravoure, une résolution et une valeur militaire indéniables. Lagny et les Tourelles sont les deux grands faits d'armes qui valurent au maréchal de France de 25 ans sa réputation.

Chronologie
1429
6 mars – Gilles de Rais est à Chinon quand Jeanne y rencontre le roi. Elle veut chasser les Anglais du royaume de France et délivrer d'abord Orléans pour mener Charles VII à Reims.
8 mars – Gilles est chargé d'une mission privilégiée :c'est lui qui conduira les troupes confiées à Jeanne d'Arc par le roi !
28 avril – Départ de Gilles et Jeanne de Blois pour Orléans, accompagnés du Duc d'Alençon et Ambroise de Loré. 10-12 mille hommes
7 mai – Combat décisif des Tourelles
8 mai – Orléans est libérée
12 juin – Prise de Jargeau
10 juillet – Prise de Troyes
18 juin – Victoire de Patay
17 juillet – Sacre de Charles VII à la cathédrale de Reims. Parce qu'il rapporte de l'abbaye de Saint Rémy l'ampoule du Saint Chrême qui sert à l'onction royale, Gilles est fait Maréchal de France à 25 ans.
10 août – L'armée royale entre à Compiègne.
23 août – Jeanne d'Arc part pour Paris. le 26 elle est à Saint-Denis.
8 septembre – Sous les murs de Paris, Jeanne d'Arc et Gille de Rais donnent l'assaut ensemble. Jeanne est blessée. Un ordre de retraite est lancé. Mais Jeanne n'a pas non plus que des amis à la cour du dauphin. Gilles est lié, par le sceau du serment, au favori du roi La Trémoille. Il doit servir les intérêts de son féal. Yolande d'Aragon, ennemie de la Trémoille, est la seule à s'intéresser au sort de Jeanne dans l'indifférence générale autour de Charles VII. En effet, le prestige extraordinaire que la prise de Paris, qui paraît alors probable, aurait donné à la Pucelle aurait porté ombrage à La Trémoille. Sans doute l'abandon du siège de Paris lui incombe entièrement. Charles VII, fatigué, doit approuver. Ainsi, après la capture de Jeanne, le roi n'a rien fait pour délivrer celle à laquelle il devait son royaume. Jeanne d'Arc ne fut pas immédiatement abandonnée, mais les dirigeants ne voulaient plus lui laisser le premier rôle.

Gilles de Rais et La Trémoille

1425 – Yolande d'Aragon, mère de Marie d'Anjou, femme de Charles VII, veut la défaite des Anglais. À cet effet, elle tente de rapprocher la France et la Bretagne. Elle obtient de son gendre qu'il nomme Arthur de Richemont, frère du duc Jean V de Bretagne, connétable de France. C'était sans compter Georges de la Trémoille, son ennemi juré. L'intrigant gagne assez vite à ses vues le nouveau roi, et réduit ainsi Charles de Richemont à l'impuissance. C'est alors que La Trémoille, après la défaite des armées françaises à St James-de-Beuvron, décide de la carrière militaire de Gilles de Rais, son cousin par les Craon. Il servira sans efficacité les calculs de ce grand politique sans les comprendre jamais. En avril 1429, il se lie par un serment à ce fourbe devenu le favori de Charles VII ; La Trémoille a besoin d'un homme dont la volonté lui appartienne. Son influence est désastreuse : La Trémoille s'opposera à la fougue de Jeanne d'Arc. Ce n'est qu'en 1433, après la « disgrâce que la France pourra définitivement se libérer des Anglais. La Pucelle aura donné la victoire à la France, mais seul Arthur de Richemont saura l'organiser. L'éloignement de ce dernier marque la fin de la carrière de Gilles de Rais à la cour.

Gilles de Rais et Jean de Craon

La mère de Gilles, Marie de Craon, et le père, Guy de Laval, meurent jeunes, et l'un après l'autre au cours de l'année 1415. A onze ans, Gilles passe dans les mains de son grand-père maternel, Jean de Craon, dont il s'attribue seul la charge de l'élever. Les Craon étaient alors les plus grands feudataires d'Anjou. Violent et sans scrupules, il abandonne Gilles à des passions que rien ne freine. Il sera responsable pour une part importante de cette éducation pleinement relâchée et désastreuse à l'origine de sa monstruosité.

Gilles de Rais et Barbe-Bleue

Les légendes bretonnes prêtent au maréchal démoniaque les traits d'un diable bleu azur, au rire sinistre, "tu appartiens maintenant à l'enfer, tu ne seras plus à l'avenir Gilles de Laval, tu seras la Barbe-Bleue, le plus affreux des hommes, un épouvantail pour les petits enfants. Ton nom sera maudit pour toute l'éternité et tes cendres, après ta mort, seront livrées aux vents, tandis que ta vilaine âme descendra dans les profondeurs de l'enfer."

La postérité de Gilles de Rais

Voir J-K Huysmans Là-Bas « Quand le monde semble une prison et l'existence une impasse, quand la conscience se révolte contre le lieu qu'elle occupe, ou qu'elle erre désorientée comme dans les pièges d'un labyrinthe, cela s'appèle la mélancolie.(...)Nul ne peut aller bien loin s'il ne se dirige vers l'abîme ; c'est l'antique secret de tous les grands mélancoliques.»
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