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Citations sur Chamanes - Voyage au coeur de la nature (28)

En d'autres termes, devenir chamane est un processus de transformation de la personne et de sa présence au monde. Ce processus de transformation d'une expérience du sauvage, subie ou recherchée, en une transe apprivoisée et ritualisée (d'une expérience intime en une pratique publique) amène la personne à la condition de chamane. Il comprend trois moments : l'acquisition concomitante d'un corps autre et d'une double citoyenneté (humaine et spirituelle), préalable au devenir autre ; l'établissement d'une alliance ou élection ; et la reconnaissance sociale de cette relation affective avec un non-humain, traditionnellement attaché aux chamanes.
p. 125/26
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Celui-ci (mode d'action) est fondé sur une phénoménologie intérieure complexe, tendue et jonglant avec des points de vue, des existants, des logiques contradictoires et irréductibles les unes aux autres. Il l'est, pour le dire autrement, sur le sentiment d'une altérité constituante, une alliance spécifique entre un humain et un non-humain. Et s'il en est ainsi, c'est pour capter et incorporer le sauvage ou ce qui en émane ; pour agir d'une façon ou d'une autre sur l'intentionnalité à laquelle est attribué le malheur ; pour agir sur son sort ou encore faire tourner la “chance”, manière de dire cette relation qui lie l'être humain aux puissances aléatoires. Le chamane, écrit Roberte Hamayon, est « celui qui gagne la chance ».
Le chamanisme, trop répandu pour résulter d'emprunts ou de coïncidences, possède une intelligibilité propre, laquelle revêt une multitude de formes, d'imaginaires, d'esthétiques et de dynamiques. Il est une éthique, non seulement une approche commune du réel — le commun y étant une dimension, fort vaste au demeurant, puisque les sociétés à chamanes y incluent nombre d'existants non humains —, mais aussi une discipline, c'est-à-dire une vigilance dans cet espace ouvert, une présence d'esprit [s].
p. 120
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DEVENIR CHAMANE
Dans les sociétés à chamanes, il s'agit en permanence, pour tout un chacun, et davantage encore pour le chamane dont c'est la fonction reconnue, fonction multiple, de maintenir des valeurs humaines et écologiques tendant vers la réalisation et la préservation, tant qu'il est possible, d'équilibres fragiles constamment menacés :
— équilibre des relations que les êtres humains, individuellement et collectivement, entretiennent avec leurs environnements non humains, visibles et invisibles ;
— équilibre des relations que les êtres humains entretiennent les uns avec les autres, au sein de chaque communauté et entre les communautés ;
— équilibre de l'individu.
Le chamanisme, écrit Michel Perrin, implique une représentation particulière de la personne et du monde, laquelle laisse peu de place à l'absurde, le malheur et la maladie n'y résultant jamais de l'arbitraire. Il est contraint par une fonction, celle du chamane, qui est de prévenir tout déséquilibre et de répondre à toute infortune : l'expliquer, l'éviter ou la soulager. Se dire chamane, écrit Éveline Lot-Falck, ne signifie pas professer certaines croyances, comme le fait le prêtre d'une religion institutionnelle et séculière, mais témoigner d'un mode d'action.
p. 119
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Fonction et personnalité ne sauraient être confondues.
[...]
Comme tous les acteurs, le chamane doit pouvoir déposer son masque, puisque ce n'est qu'en le mettant qu'il peut jouer son rôle.
[...]
... le “jeu” s'appuie sur une expérience mettant en difficulté le rapport ordinaire, ou pensé comme tel, entre le corps et une intentionnalité, c'est-à-dire déplaçant le lieu de la subjectivité. Les manifestations extérieures observées non seulement représentent, mais sont aussi corrélatives du devenir chamane, d'un devenir autre. Ce devenir est réversible, et la personne n'est chamane, ou renne, ou jaguar, ou esprit, que le temps de ce devenir (Patrick Deshayes) ; autrement elle est folle, ou morte.
p. 109
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D'après Cristôbal de Molina (1576), ils « disent [aussi] que telles grâce et vertu qu'ils avaient ils les avaient reçues du tonnerre, disant que quand un éclair tombe laissant quelqu'un effrayé, après être revenu à lui, il disait que le tonnerre lui avait montré cet art, soit celui de guérir avec des herbes, soit celui de donner des réponses aux choses qu'ils lui demandaient ». Aujourd'hui, le chamane est appelé yachaq, « celui qui sait », ou altomisayuq, littéralement « celui qui possède la table rituelle d'en haut » et est capable de voyages en esprit.
Chi pülashi, « celui avec le pülashi », le dangereusement sacré, le sur-naturel ; acquérir le pouvoir, c'est peu à peu devenir pü/asü, devenir chamane.
Wichasha wakan en sioux lakota (Amérique du Nord), littéralement « celui avec le wakan (pouvoir imprégnant toute chose et être du monde, à des degrés divers) » ; si l'expression est communément traduite par « homme ou femme-médecine », le guérisseur en lakota est appelé pejuta wichasha (« celui avec la médecine »). Banman, dans le Kimberley (Australie), tout à la fois « homme-médicament », “esprit” et “pouvoir” de voir « par transparence » les organes et le squelette ; de voir à travers l'opacité des corps. « C'est le pouvoir, banman, raconte Banggal à Barbara Glowczewski, comme une pierre, on peut voir dans la paume des mains, cela voyage dans ton corps, remonte les bras jusqu'à l'intérieur de la poitrine : cela pulse. [...] La roche de quartz vient des serpents. Le quartz vient de la terre. [...] Les chamanes le mettent dans leur corps et le transportent. C'est comme une gelée à l'intérieur de leur corps. Ils le sortent pour que cela durcisse. »
p. 80
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Le chamanisme consiste dans ce cadre à établir des relations d'échange, conçues sur le modèle des relations humaines, avec les espèces animales consommées. Précisément, pour que le chasseur puisse entrer en relation avec une espèce donnée, le chamane contracte une alliance, parfois signifiée comme dans les sociétés sibériennes et arctiques par ses épousailles avec un esprit femelle, l'esprit-maître de cette dernière ou la fille de celui-ci (la chasse étant un domaine presque exclusivement masculin). En d'autres termes, [...], par son initiation, le chamane devient l'époux ou le gendre de l'esprit-maître de l'espèce animale, source économique par excellence. Dans cette perspective, l'alliance matrimoniale fonde le chamanisme : séduction des esprits, mariage avec le tambour, dimension érotique de la pratique rituelle. Cette position permet au chamane de s'approprier du gibier. L'animal n'est donc pas tué, mais obtenu. Il se donne au chasseur, qui ne prend que sa chair et traite ses os en sorte qu'il renaisse. Grâce à son épouse, c'est donc en mari et non en chasseur — comme ravisseur, attitude dangereuse — que le chamane obtient au cours de ses voyages en esprit des promesses de gibier... en échange de la force vitale des êtres humains, nourriture des esprits. Tout l'art du chamane consiste dès lors à prendre et à reporter le moment de rendre (la mort) ; à gérer la circulation de la force vitale entre les espèces, entre existants non humains, animaux surtout, et humains.
p. 38/39
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Dans les sociétés à chamanes, l'économie de chasse peut certes être effective, mais elle peut tout autant posséder une valeur excessive (lorsque l'alimentation est d'abord apportée par le végétal, sauvage et domestique) ou être idéelle (lorsque l'élevage est premier). Quoi qu'il en soit, à la fois mode de production et mode spécifique de rapport à l'animal, la chasse est prépondérante dans l'imaginaire et la représentation que ces sociétés complexes se font de leur relation à leur environnement. D'aucuns, dans cette logique, font de ce lien entre économie de chasse et chamanisme une caractéristique de ce dernier dans sa forme originelle, voire expliquent l'art pariétal et mobilier européen du paléolithique supérieur, essentiellement animal, en termes chamaniques.
p. 38
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La présence animale dans les objets que les chamanes fabriquent est remarquable, que l'animal entre dans la composition ou qu'il soit simplement évoqué. Dans les récits qu'ils font de leurs voyages en esprit, la présence de personnages hybrides, mi-humains, mi-animaux, ou d'êtres à transformation, simultanément humains et animaux, l'est tout autant. Il y a dès lors comme une évidence. Le chamanisme est intimement lié à une idéologie de la prédation, plus précisément à une économie de chasse ; les nouvelles spiritualités ne font pas exception, puisque les « animaux totems » ou « de pouvoir » dont les personnes se dotent sont le plus souvent de grands prédateurs.
p. 37
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Le terme est connu des Kazakhs, Kirghizes, Ouïghours, Mongols et Mandchous, il désigne chez les premiers celui qui possède la capacité d'établir une relation directe avec les esprits (I. A. Chekaninskij, dans Patrick Garrone). Selon les auteurs, il viendrait soit du sanskrit bhikshu, l'errant, le religieux mendiant, le moine bouddhiste ; soit du chinois po-shi (bd shr), le lettré, le maître religieux (le lama), c'est-à-dire « celui qui possède la maîtrise (d'une profession) ». Le chamane mongol est appelé böö (böge en écriture mongole traditionnelle ; bö en bouriate), et baksh par ses élèves, écrit Laetitia Merli. Le terme est en rapport avec boh (böke ; büxe en bouriate), « lutteur », et bö (boghu), « lier » ; bu- en kirghize, comme en évenk d'ailleurs, avec dans cette langue le sens de « mourir ». En mongol, buh, c'est aussi « la descente des esprits » et böölexe, « chamaniser, chanter à la manière du chamane » — tout comme le verbe lud en nivkh (Sibérie), « chanter, chamaniser »
p. 31/32
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Traductions
Selon Johann Gottlieb Georgi, qui voyagea en Sibérie de 1770 à 1775, « les Toungouses, les Bouriates et d'autres peuples donnent à ces prêtres le nom de schamans, terme qui signifie [...] maître de toutes ses passions. Les Téléoutes les nomment kams [...], c'est-à-dire seigneurs ou prophètes. Les Iakoutes [...] les appellent ayouns [...], les Samoyèdes [...] tadybs ». Cet homme de science allemand est probablement le premier à utiliser les termes “chamane” et “chamanisme” dans l'ensemble de sa description de toutes les nations de l'empire de Russie, en lieu et place des différents termes vernaculaires. Indépendamment de ces derniers, il existe une forme féminine, commune à nombre de langues d'Asie centrale et septentrionale, avec des variantes lexicales : celle d'udagan. Selon Dodi Banzarov (1891), historien et “chamanologue” bouriate, il serait apparenté à Âtügân, déesse mongole de la terre.
p. 31
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