Vous prêtez d'abord à l'arbre vos passions, votre désir ou votre mélancolie ; ses gémissements et ses oscillations deviennent les vôtres, et bientôt vous êtes l'arbre.
Parmi les drogues les plus propres à créer ce que je nomme l’Idéal artificiel, laissant de côté les liqueurs, qui poussent vite à la fureur matérielle et terrassent la force spirituelle, et les parfums dont l’usage excessif, tout en rendant l’imagination de l’homme plus subtile, épuise graduellement ses forces physiques, les deux plus énergiques substances, celles dont l’emploi est le plus commode et le plus sous la main, sont le haschisch et l’opium.
A J.G.F.
À des esprits niais il paraîtra singulier, et même impertinent, qu’un tableau de voluptés artificielles soit dédié à une femme, source la plus ordinaire des voluptés les plus natu-elles. Toutefois, il est évident que, comme le monde naturel pénètre dans le spirituel, lui sert de pâture, et concourt ainsi à opérer cet amalgame indéfinissable que nous nommons notre individualité, la femme est l’être qui projette la plus grande ombre ou la plus grande lumière dans nos rêves. La femme est fatalement suggestive ; elle vit d’une autre vie que la sienne propre ; elle vit spirituellement dans les imaginations qu’elle hante et qu’elle féconde.
Vous avez disséminé votre personnalité aux quatre vents du ciel.
L'âge était venu du travail et des distractions forcées. Il lui fallait endosser le premier harnais de la vie et se préparer aux études classiques.
La guitare improvisait une variation sur le thème du violon d’aveugle. Elle se laissait guider par lui, et elle habillait splendidement et maternellement la grêle nudité de ses sons.
Si un cerveau débilité par l’opium était tout entier débilité, si, pour me servir d’une ignoble locution, il était totalement abruti, le mal serait évidemment moins grand, ou du moins plus tolérable. Mais un «mangeur d’opium» ne perd aucune de ses aspirations morales ; il voit le devoir, il l’aime ; il veut remplir toutes les conditions du possible ; mais sa puissance d’exécution n’est plus à la hauteur de sa conception. Exécuter ! que dis-je ? peut-il même essayer ?
Rêver magnifiquement n'est pas un don accordé à tous les hommes, et, même chez ceux qui le possèdent, il risque fort d'être de plus en plus diminué par la dissipation moderne toujours croissante et par la turbulence du progrès matériel. La faculté de rêverie et une faculté divine et mystérieuse ; car c'est par le rêve que l'homme communique avec le monde ténébreux dont il est environné. Mais cette faculté a besoin de solitude pour se développer librement ; plus l'homme se concentre, plus il est apte à rêver amplement, profondément. Or, quelle solitude est plus grande, plus calme, plus séparée du monde des intérêts terrestres, que celle créée par l'opium ?
Le fou prend le sage en pitié, et dès lors l'idée de sa supériorité commence à poindre à l'horizon de son intellect.
Qu'est-ce que le cerveau humain, sinon un palimpseste immense et naturel ?