Mais ne suffit-il pas que tu sois l’apparence,
Pour réjouir un cœur qui fuit la vérité ?
Qu’importe ta bêtise ou ton indifférence ?
Masque ou décor, salut ! J’adore ta beauté.
- Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se pâme ;
Ce qu’elle cherche, amie, est un lieu saccagé
Par la griffe et la dent féroce de la femme.
Ne cherchez plus mon cœur ; les bêtes l’ont mangé.
Mon cœur est un palais flétri par la cohue ;
On s’y soûle, on s’y tue, on s’y prend aux cheveux !
-Un parfum nage autour de votre gorge nue !...
Et j’éprouve, au milieu des spasmes frénétiques,
L’atroce enivrement des vieux Fakirs hindous,
Les extases sans fin des Brahmes fanatiques.
En ruminant, je ris des passants faméliques.
Je crèverais comme un obus
Si je n’absorbais comme un chancre.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l’heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T’infuser mon venin, ma sœur !
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Je sais que ton cœur, qui regorge
De vieux amours déracinés,
Flamboie encore comme une forge
Que m’importe que tu sois sage ?
Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage ;
L’orage rajeunit les fleurs.
Je t’aime, surtout quand la joie
S’enfuit de ton front terrassé ;
Quand ton cœur dans l’horreur se noie ;
Quand sur ton présent se déploie
Le nuage affreux du passé.
La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
A nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s’enfuit ;
Si tu n’as fait ta rhétorique
Chez Satan, le rusé doyen,
Jette ! tu n’y comprendrais rien,
Ou tu me croirais hystérique.