Elle me disait toujours que le romarin pousse dans les jardins de femmes fortes. Chez elle, le romarin, on aurait dit un arbre
Le nappage était une crème au beurre épaisse, somptueuse comme une robe de satin contre la texture ferme et fragile du biscuit. A chaque bouchée, on sentait d’abord fondre le biscuit, puis le glaçage, l’un après l’autre, comme des amants qui se laissent tomber sur un lit.
Sa mère prit la tasse et la porta à sa bouche, souffla légèrement sur le dessus en soulevant des spirales de vapeur qui lui montèrent au narines. Elle but quelques gorgées timides, presque perplexe, et releva les yeux de son livre pour regarder au loin.
C'était comme un tableau, pensa Chloé. Une recette sans mots. Elle resta immobile pour capter les vibrations de la cuisine, sentir l'énergie qu'elle contenait et conserverait jusqu'au lendemain après-midi, quand les cuisiniers, les aides-serveuses et les clients arriveraient et qu'à nouveau elle serait davantage que l'accumulation de l'agitation et des ingrédients, que les plats qui s'y préparaient se mueraient en rires et en idylles, chauds, dorés et brillants. Elle sourit.
- Vous savez, dit-elle en levant sa fourchette, je commence à penser que les souvenirs sont peut-être comme ce dessert. Je le mange et il devient une partie de moi, que je m'en souvienne ou non.
Et, peu à peu, pendant qu'il attendait l'illumination, les évènements de tous les jours - une dispute avec leur fille ou leur fils, les premiers crocus du jardin, l'embarras de Helen face à une nouvelle coupe de cheveux - s'accumulaient en faisant barrage à ce qu'il ne parvenait pas à imaginer, jusqu'à ce que pour finir le secret qu'elle n'avait pas pu garder devienne un élément de leur vie, une brindille de plus dans le nid d'instants et de promesses qu'ils avaient construit - la première fois qu'il l'avait vue, leur deuxième dispute, la main de Carl lui caressant les cheveux quand elle donnait le sein à un bébé. Carl était ornithologue amateur ; il savait que toutes les brindilles d'un nid ne sont pas droites.
Mais tu vois, à la fin, je crois que quelquefois c'est bien de ne pas savoir les choses. (...) Ça fait que tout est... une possibilité, si tu ne connais pas la réponse.
Quelquefois, Nina, nos plus grands talents naissent de ce qui ne nous est pas donné.
Où as tu appris à faire tout ça? lui demanda Rory amusé. Je ne me souviens pas de t'avoir jamais vu changer des carreaux.
-Tu ne te souviens pas non plus que je ne savais pas cuisiner quand j'ai épousé ton père, ni conduire, ni endormir un bébé qui a la colique. les gens apprennent Rory. Je ne vois vraiment pas pourquoi il y aurait un âge où on devrait arrêter.
Elle me demandait toujours: "Que fais tu qui te fasse plaisir?"